par Alain Leroy
Humanité, bien commun
Ainsi dans « 見 大 人 jiàn dà rén voir ; grand ; homme » c’est plutôt par “humain” que « 人 rén » devrait être traduit que par “homme”…
Cela permettrait au passage d’écarter l’amalgame avec la figure masculine (homme ≠ femme), mais soulignerait surtout la caractéristique d’humanité : il ne s’agit pas ici d’un individu à distance (un vieux sage, le yi jing (métaphoriquement représenté par “l’oncle Li”), cumulant les travers de la figure singulière, masculine, étrangère, expérimentée et d’une étrange bienveillance désintéressée). […]
par Alain Leroy
Voir / grand / homme
“見 大 人 jiàn dà rén voir ; grand ; homme” apparait 8 fois dans le Yi Jing, dont 7 précédées de la mention (mantion ?) “利 lì profitable”.
Le point commun aux trois idéogrammes est la clé “人 rén homme “. Elle représente une personne vue de profil. Certains spécialistes y voient un homme en marche, donc un être vertical, droit sur ses deux jambes, en déplacement horizontal. Des formes primitives de la graphie pourraient également représenter un personnage en posture de prière collective ou de salutation vers un autre. […]
par Alain Leroy
01
La première occurrence du mot “voir” (見 jiàn) dans le texte du Yi Jing correspond au 1er mot du second trait de hexagramme 01. Elle vient cependant en écho et rime avec le 1er mot du 1er trait : 潛 qián “caché” . Lui-même vient en écho au 1er mot du Jugement, titre de l’hexagramme 乾 qiān “créatif” et se prononce presque de la même manière (le ton est toutefois différent). C’est le seul endroit du texte canonique où 潛 qián “caché” est employé.
潛 龍 勿 用 qián lóng wù yòng caché ; dragon ; pas ; agir
qián
Cyrille Javary le traduit par “Tapi dans l’onde”, certainement en partie pour souligner le caractère aquatique du dragon asiatique en contraste avec le dragon cracheur de feu occidental, mais tout à fait en accord avec l’étymologie du mot (il contient à gauche la clé de l’eau) et de nombreuses possibilités de traduction faisant référence à l’univers aquatique. La partie droite du mot représente une épingle à chignon. Le sens est donc de retenir le débordement d’une vive fluidité (une des traduction désigne un vivier, un barrage de branchages pour retenir les animaux aquatiques). En médecine chinoise traditionnelle on désigne ainsi l’action de “couvrir” un yang trop fort afin de le réduire.
44
1er mot du 1er trait de l’hexagramme le plus yang, le plus éclatant, nous avons cependant bien le sens d’un masquage provisoire. La transformation de ce trait conduit à l’hexagramme 44, où il n’est donc pas surprenant de trouver au premier trait : 見 凶 jiàn xiōng “visible fermeture”…
xiōng
Remarquons au passage que cette expression est l’illustration parfaite que 凶 xiōng “fermeture”, (58 occurrences dans le Yi Jing, tout de même) est à tort trop souvent traduit par “malheur, néfaste”… Mais cela aussi sera prétexte à d’autres articles : le “mauvais agencement du flux vital” n’est pas forcément nuisible !
zhuàng
Retenons pour le moment le caractère 壯 zhuàng “puissant, vigoureux” caractérisant le Jugement de l’hexagramme 44 (女壯 nǔ zhuàng “femme ; fort”).
34
Le même mot apparaît en titre de l’hexagramme 34 “Grande Force” ou le yang atteint la quatrième place, déborde de la profondeur de l’hexagramme et se rend ainsi visible au dessus de la surface. […]
par Alain Leroy
Une vision faible, limitée et déformée est une mauvaise vision.
Une vision juste est donc puissante, large et exacte.
La puissance de la vision juste nous permet de voir loin et avec clarté. Pénétrante, elle ne se heurte pas à la surface des choses et accède directement à la vérité. Ce qui lui permet d’aller loin et profond c’est la vigueur de la présence de celui qui regarde. Nous savons déjà que la vision exige la présence d’un observateur : en son absence pas de vision ; donc plus grande est la présence de l’observateur plus forte est la vision. Ainsi la capacité d’attention, de concentration énergique à l’instant présent confère à la vision sa puissance.
La vision juste embrasse un large champ de vision. […]
par Alain Leroy
La voie bouddhiste de l’octuple sentier se décompose en deux branches principales dont la première est toute entière dédiée à la Vision. La seconde branche est appelée …Transformation et correspond aux sept autres sentiers (émotion, parole, action, moyens d’existence, effort, prise de conscience et méditation justes). Ainsi la Vision Juste est non seulement première dans le bouddhisme, mais également tout particulièrement considérée.
La notion de philosophie est une construction occidentale. Le mot indien “darsana” qui a longtemps été traduit par “philosophie” provient d’un mot signifiant “voir, ce qui est vu, perspective” et qui lorsqu’on le traduit par “compréhension” se réfère d’avantage à l’observation attentive qu’à la raison. On traite donc ici de la différence fondamentale entre l’abstraction occidentale ‑la pensée‑, et l’expérience directe orientale.
Le bouddhisme considère deux sortes de visions : la mauvaise et la bonne ! La vision juste est définie comme le contraire de la fausse… Il s’agit ainsi et tout d’abord d’une vision désencombrée de ses défauts.
La vision n’est jamais abstraite : il s’agit toujours de la vision de quelqu’un. Distinguons donc deux sortes de personnes : ceux qui ont une vision fausse et ceux qui ont une vision juste. La tradition bouddhiste les nomme respectivement prthagjanas “les gens ordinaires” et aryas “les êtres nobles”.
La tentation est grande de rapprocher ces termes de 小人 (xiǎo rén) et 大人 (dà rén), respectivement “l’être petit” et “l’être grand” de notre Yi JIng. 君子 “l’homme noble” ou “l’être accompli” de la Grande Image, lorsqu’il considère les signes trigrammatiques et s’en inspire pour rectifier sa conduite et accomplir l’action appropriée (juste?) semble bien emprunter le premier chemin de l’octuple sentier avant de mettre en œuvre la transformation…
Mais quelles sont donc les caractéristiques d’une mauvaise vision ? Elles sont au nombre de trois…
La mauvaise vision :
Une mauvaise vision est, pour commencer, une vision faible. Le regard de l’observateur manque de puissance, d’énergie personnelle. Sa portée ne s’étend donc pas très loin ou manque de discernement. La vision n’a pas la force de pénétrer le monde et le “geste de voir” manquant de vigueur ne s’applique pas distinctement. […]