Du Sport à la Méditation : Une Lecture à travers les Mutations
Préambule : La Voie des Transformations
À l’image du Yi Jing, qui observe les mutations perpétuelles du monde, cet article traverse les frontières conventionnelles entre sport, arts martiaux et méditation.
L’ensemble du texte adopte une approche qui peut sembler décousue d’un point de vue occidental. J’y traite de la méditation selon une vision holistique qui transcende les limites conventionnelles. C’est véritablement une attitude Yin-Yang, qui refuse de se cantonner à une spécialité étroite pour embrasser une vision plus large. L’holistique y représente un pôle du YinYang, l’autre étant occupé par l’apport de thèmes apparemment hors sujet. Rappelons que traditionnellement tout est relié dans la pensée antique, donc dans celle du Yijing. La tradition autorise une vision plus étendue que celle des spécialisations techniques modernes et à vue courte.
Cette approche tient compte de notre époque, de mon vécu personnel, du milieu des Arts Internes Chinois et martiaux d’Asie que je connais assez bien. C’est une vision globale, dépassant les conventions, et donc nécessairement personnelle. J’espère que vous y trouverez matière à réflexion.
Je ne cherche pas le “progrès” mais plutôt l’harmonie avec les transformations naturelles ancrées dans la compréhension du Yin-Yang et du Qian-Kun 乾/坤. Par la consultation de l’oracle, nous apprenons à lire les signes du changement dans notre pratique quotidienne.
De l’Entrainement Physique à la Voie Spirituelle
Il y a cinquante ans, j’ai commencé à m’intéresser sérieusement à l’entretien corporel. Mes voyages fréquents m’ont fait comprendre que la course à pied seule ne suffisait pas à protéger ma vie. Le Yijing me sauva la vie. Puis j’étudiai les arts martiaux – boxe française, karaté, kung-fu – m’ont d’abord mis en contact avec l’Esprit Chevaleresque, puis avec la Voie du guerrier. Mon premier professeur de Kung-fu, jeune chinois nommé Chen Su, nous enseignait que la pratique de l’Art martial chinois équivalait à l’entrée dans un monastère intérieur. Je lisais à cette époque les chroniques du regretté Henri Plée, qui incitait à voir dans les Arts martiaux une Voie d’Éveil. Ma rencontre avec le Taijiquan s’est faite alors que j’avais déjà été initié au souffle interne (QI) par le Karaté et le Kung-fu.
La Mutation du Guerrier
Mon parcours illustre la transformation naturelle de Shi (H7師, la Troupe, l’Équipe) où le mouvement est dirigé par un animateur ou un supérieur, pour aller vers des formes plus subtiles d’expression martiale : l’habileté générale de soi-même, nommée Kung-Fu.
Le soldat obéit sans penser, mais le guerrier est autonome.
Il obéit ou non, et pense par lui-même.
À l’époque de l’apparition de Facebook, où je n’ai jamais eu de compte, j’étais déjà suffisamment autonome pour évaluer ma vie de façon indépendante. Nul besoin de médailles ou d’approbation sociale concernant mon mode de vie, que je savais juste pour ma personne.
Les ceintures de toutes les couleurs, qu’il faut gagner au combat ou devant un jury, sont excellentes pour motiver les enfants. Il en va de même avec les dan-duan. Chacun doit évoluer selon ses expériences personnelles. Les notations sociales et la quête des “likes” ne correspondaient pas du tout à mon évolution, bien qu’on m’ait inculqué ce type de valeur durant mon enfance scolaire. Plus je vieillis plus je m’éloigne de ces valeurs superficielles du mérite mesuré, il est limitant. En s’éveillant, on réalise que les médailles ne sont que des instantanés fugaces et superficiels d’un moment déjà passé, et qu’on regarde derrière soi au risque de trébucher. Je ne prétends absolument pas être dénué de désirs petits, et je ne recherche pas la perfection. Je fais avec ce qui est ici au mieux de mes possibilités. C’est assez, c’est suffisant.
La Vérité Intérieure est simple : on se leurre ou on ne se leurre pas soi-même, j’expérimente les deux états, et je m’accepte avec mes imperfections.
Dans mon activité pédagogique d’enseignement du Taijiquan et Qigong, j‘essaie de faire passer les valeurs qui émanent du Yin-Yang et de la culture traditionnelle chinoise et autres. Le Yijing et le chamanisme de son origine sont cachés sous le tapis. Nul délire, la réalité simple.
L’Himalaya et la Méditation
Je dois préciser que je n’ai jamais voyagé en Himalaya, Dans mes cours, j’évoque souvent l’Himalaya, cette montagne éminente vers laquelle, en Asie, tous les peuples environnants envoient des personnes méditer en grotte. Il en redescend des Sages qui voyagent et transmettent. Je dois préciser que je n’ai jamais voyagé en Himalaya, mais j’ai rencontré plusieurs personnes qui ont fait ce parcours. Ces individus ne correspondent d’ailleurs pas aux stéréotypes qu’on peut imaginer. Chaque ermite temporaire, lorsqu’il redescend, a vécu une expérience unique.
Gen 艮 (H52), le regard de montagne évoque la stabilité. Le mouvement perpétuel des Nuages Dui兌 (H58) qui entoure les cimes, évoque le travail de la méditation sur l’observation de nos pensées.
Les monastères chinois, tibétains, mongols ou sibériens proposent depuis toujours une expérience similaire. Certains dojos européens suivent la même voie. Ils ne s’intéressent pas au sport – c’est le sport qui s’intéresse à eux.
La Recherche de Performance
De nombreux sportifs de haut niveau s’intéressent à tout ce qui peut améliorer leur performance. C’est ainsi qu’ils découvrent l’aspect méditatif des Arts Internes Chinois ou d’Asie. Certains chefs d’entreprise et travailleurs indépendants désirent également à optimiser leur fonctionnement. C’est alors qu’ils adoptent des éléments enseignés dans le parcours méditatif des Maîtres de ces futurs élèves qui escaladent la montagne pour parfois la redescendre.
Science et Tradition : Les Mutations du Savoir
La science moderne manifeste un certain aspect du Yang, tout comme la tradition incarne un autre aspect de la connaissance corrélé au Yin du couple Yin/Yang. À mes yeux, la connaissance antique, vaut bien la connaissance moderne. La visite d’une pyramide, ou du grand menhir brisé de Locmariaquer (360 tonnes) est suffisamment impressionnante pour nous faire entrevoir le mystère de l’expression variée des possibilités techniques issues de la pensée imaginative humaine. Les gens du passé ont été aussi « fortiches » que ceux d’aujourd’hui.
Quand la science étudie la méditation, ce qui eut lieu en Amérique du Nord, ce n’est pas pour la “valider” ou l’ ”améliorer”, mais pour observer une autre facette de la réalité, comme le Yijing observe les différentes facettes d’une situation. Les programmes de pleine conscience en milieu hospitalier ont intégré les connaissances du bouddhisme tibétain à la recherche médicale en cardiologie et en neurologie appliquée. Cela a induit l’apparition de nouvelles ressources thérapeutiques, à la portée des individus qui s’auto-soignent ainsi par la méditation, l’hypnose et d’autres méthodes spirituelles.
En Chine le programme Qigong initié en 1950 a aussi donné de nombreux fruits avec des méthodes de soins générales et d’autres pour de nombreux troubles très précis, des plus bénins jusqu’au cancer. On travaille aussi à la recherche sur le Qi en hôpitaux avec des résultats positifs avec la projection de QI manuelle, sonore ou par l’intention mentale du Maître Qigong.
Toute transformation comporte un risque. Quand la science va plus vite vers la nouveauté que ce que nous pouvons mesurer des effets de son innovation, il y a le réel danger d’un développement trop rapide, surtout en ces temps de mondialisation. D’où une panique en temps de Covid imprévu. Le Yijing conseillerait une diminution. H41 est Diminuer ou l’hexagramme du Changement de Valeur, de leur retournement rythmique. Ce qui revient à dire que l’innovation doit germer dans un besoin humain ressenti. Elle n’a pas à être abandonnée au besoin du capitalisme financier ou d’une dictature quelle qu’elle soit.
Cela vaut pour le clonage, les manipulations génétiques, et de très nombreuses autres recherches parmi lesquelles celle sur les vaccins Arn, trop frais pour être crédible sans risque. On ne doit pas perdre de vue que le capitalisme le plus souvent est malhonnête par utilisation de subterfuges, trucages et mensonges, non pas parce que le capitalisme est le mal (il n’est qu’un excès non contrôlé, celui de l’accumulation d’appropriation), mais parce que l’être humain a des aspérités dangereuses en tant que récent premier prédateur sur terre.
Rappelons l’époque de la révolution culturelle Maoïste. En ces temps-là, en Chine pratiquer les Arts d’Asie que nous aimons était puni gravement. Les Maîtres étaient humiliés, battus dans la rue par les gardes rouges. Je me souviens d’avoir rencontré la fille de Wang Zhang Haï un Maître à la haute réputation de combattant et d’enseignant. Elle était handicapée d’une jambe suite à un coup de crosse de fusil lors d’une de ces exactions de la jeunesse manipulée.
Le jugement sur les situations est très relatif selon les époques. Le temps est relatif tout court. Nos perceptions sont relatives. La Vérité en science est relative aux connaissances d’une époque. C’est pourquoi dans les temps anciens tout changeait, mais plus lentement. Les alchimistes ne livraient pas tout.
La vitesse actuelle de l’innovation n’est pas raisonnable. Le rythme est désaccordé donc préjudiciable. C’est le sens que je donne à l’idéogramme Xiong 凶 fréquent dans le Yijing et traduit par d’autres en fermeture. Pour moi, pour la culture ancienne chinoise et pour la microphysique, tout est rythmes. Xiong traite d’un rythme inapproprié, ce que je développe dans mon ouvrage Yijing en cours de finition.
Au Japon, nombre de Maîtres d’Arts martiaux pratiquent la Méditation, justement pour entrer dans le rythme approprié Ji 吉. C’est banal, en Chine de même. Le gouvernement chinois dans sa période marxiste n’était pas favorable à la pratique des arts martiaux. Le niveau de leur pratique a alors beaucoup baissé là-bas, par le fait de la restriction de la liberté d’investigation sur les capacités humaines dans tel ou tel domaine. En particulier il était interdit de pratiquer les Arts opposant des Chinois entre eux, donc l’aspect martial du Wushu. Ce n’était pas nouveau, la plupart des gouvernements impériaux se sont toujours méfié des écoles martiales susceptibles de fomenter des troubles pouvant mener à la révolution, le changement de mandat chinois.
L’Expression du Qigong
Le Qigong en Chine illustre comment une pratique se transforme selon les époques et les lieux, sans pour autant “progresser” ou “régresser”. Comme le Yijing nous l’enseigne, chaque situation contient les germes de sa transformation. Les effets observés en milieu hospitalier ne sont ni “meilleurs” ni “pires” que ceux observés traditionnellement – ils sont simplement différentes manifestations du même phénomène du besoin de guérison et d’entretien de la vie, ce qui se réalise par la douceur et la fermeté Yin-Yang Qian-Kun du mouvement méditatif.
Les Expressions de la Pratique Méditative
1. Le Corps en Mutation
Le centre de gravité dans le bas-ventre est un point d’observation des transformations continuelles du corps. Cette zone que la médecine traditionnelle chinoise nomme Dan Tian (丹田) n’est pas un point à “développer” mais à observer dans ses mutations perpétuelles, et aussi à nourrir par l’intention et le comportement vertueux des intentions.
Notre corps n’est pas une machine à “améliorer” mais un champ de transformations à observer :
- Les mouvements du souffle
- Les cycles d’énergie
- Les alternances de tension et de relâchement
- Les mutations de la conscience corporelle et non-corporelle, donc spirituelle
Dans les Arts martiaux, mais aussi en danse, en gymnastique, sur des skis ou une bicyclette, la perception non-consciente mais finement organisée de notre centre de gravité est indispensable à l’équilibre. Nous vivons avec cela à chaque pas d’une promenade, et ce n’est pas conscient.
Le TaijiQigong de l’Eau, une de mes spécialités de taoïste non-aligné sur « l’isme » du Dao développe l’étude de l’Eau dans le corps en Taijiquan, le Qigong et la Vie Quotidienne. Comme l’Eau est le premier ingrédient de notre corps (70 % de la masse) on agit fortement sur notre matière globale en s’associant à l’eau par la fusion d’un esprit actif à s’unir à la matière sans prendre le contrôle comme un dictateur. On s’aperçoit que l’eau et que ce qu’elle porte en dissolution plus ou moins épaisse et gélatineuse (le corps) participe de la qualité de nos pensées………………. Chouette Méditation pratique.
2. L’Esprit en Mutation
L’attention n’est pas une capacité à “développer” mais un état naturel à observer dans ses transformations.
Les états de conscience se transforment naturellement, cela mute du Yin vers le Yang et vice-versa :
- Dans le mouvement : comme les transformations des hexagrammes
- Dans la relation à l’autre : comme l’alternance du balancement de l’eau dans le corps qui danse, ou respire simplement.
- Dans la perception des mutations et des situations
L’Observation des Transformations
Les Cycles du Réel et de l’Imaginaire
Zhong Fu 中孚 c’est H51, la Foi en tant que sensation spirituelle indépendante des religions. Elle nous rappelle que l’observation des transformations intérieures révèle la même vérité que l’observation des mutations extérieures. L’imaginaire et le réel ne sont pas deux états à “réconcilier” mais deux aspects d’une même réalité en perpétuelle mutation.
Depuis cinquante ans, ma pratique ne s’est pas “améliorée” – elle s’est transformée, comme les situations du Yijing se transforment l’une en l’autre. Certains aspects se sont manifestés tandis que d’autres se sont estompés, dans une danse naturelle semblable aux mutations des hexagrammes.
Nous progressons et nous régressons simultanément, mais pas sur les mêmes plans.
L’Observation Sans Jugement
La pratique de l’observation rejoint directement l’esprit du Yijing. Il ne s’agit pas d’atteindre un état “supérieur” mais d’être témoin des transformations, parfois de réussir à chevaucher la crête de la vague, tout comme l’oracle observe les mutations sans les juger, et incite parfois à marcher sans crainte sur la queue du tigre. C’est ce qu’exprime H10 Lu, la Démarche parfois rituelle et méditative. Cette approche correspond aussi à Guan 觀 H20 regarder avec recul, et aussi dans l’invisible. Alors le regard n’est pas un but, ou une forme de l’esprit à atteindre, mais une manière d’être uni avec ce qui est.
Les différents aspects observés sont comme les éléments d’un paysage :
- Les pensées : des nuages qui passent, reviennent ou se transforment
- Les émotions : des vagues sur l’eau du corps physique
- Les sensations : des variations de vents qui nous traversent (des Qi)
- L’intuition : égaux aux changements de lumière et d’ombre, insaisissables flux
Les Cycles Naturels
Les Mutations du Corps et de l’Esprit
Le corps et l’esprit ne sont pas deux entités à “unifier” mais deux aspects d’une même réalité en perpétuelle transformation. Comme le Yin et le Yang ne sont pas des opposés à “réconcilier” mais des aspects du même objet que l’on observe. Nos sensations physiques et mentales sont des expressions différentes d’une même réalité : le fait que nous soyons vivants.
La zone du ventre, premier Dantian, n’est pas un “centre à développer” mais un point d’observation des mutations. Cette observation peut le réveiller, donc le transformer ou l’animer.
L’esprit nourrit alors l’alchimie de la vie par :
- Les cycles du souffle
- Les transformations de l’énergie
- Les alternances de l’attention
- Les mutations de la conscience
L’Expression des Cycles
Notre pratique suit naturellement les cycles décrits dans le Yijing :
- Moments d’action et de repos
- Phases d’expansion et de retrait
- Périodes de clarté et d’obscurité
- Cycles d’expression et de silence
La Pratique Méditative dans les Arts martiaux et le Qigong
1. Centrer le Corps
Près du centre de gravité du corps, dans le bas-ventre, existe une organisation énergétique ou sensible. Elle permet d’obtenir des effets sans passer par notre cerveau, trop lent et inadapté à certaines tâches. Ce fonctionnement ventro-centrique a donné naissance aux théories sur le “deuxième cerveau” humain. Bien que largement inconscient, on peut nourrir son activité en y portant attention. Il nous permet alors d’accomplir certaines actions matérielles et visibles de manière améliorée.
La nature du centre ventral est Yin, cachée. Ce Yin caché est accessible par l’esprit attentif, mais le cerveau crânien ne doit pas en prendre le commandement.
Notre ego doit apprendre à se soumettre, à sentir le centre ventral et à le laisser s’exprimer librement, sans interférer comme un chef ou un dictateur.
Grâce à ce centre, nous pouvons :
- Nous concentrer pour gagner en puissance dans les Arts martiaux
- Saisir le moment précis de la décision en situation de survie
- Laisser notre corps prendre des décisions vitales sans interférence de la pensée discursive
- Développer un ventre fort qui améliore notre santé et notre confiance corporelle
2. Centrer l’Esprit
Ma première enseignante de Taijiquan, Claudine Shinoda, une Française mariée à un Japonais, nous apprenait à sentir le ventre, la zone du centre de gravité, en intensifiant progressivement l’Attention de notre Esprit.
Le secret de « l’Esprit Yang, mari du Corps Yin Femelle, » réside d’abord dans l’Attention :
Qu’elle soit vertueusement neutre ou dans le non-désir !
- En apprenant un nouveau mouvement de Taijiquan ou de Qigong, soyez au présent
- En recevant l’appui de votre partenaire en Tui-shou, soyez au présent
- En cherchant à percevoir l’intention d’un adversaire à distance, sentez au présent
Dans tous ces cas, la qualité de votre attention à l’événement est la véritable clé du succès de votre démarche. Apprécier l’expérience sensorielle réellement vécue reconnecte l’esprit et le corps. Le monde virtuel développe des substituts qui nous déconnectent de la réalité. La vie sur écran n’égale pas la vie pleine et entière, qui se déploie dans ses multiples dimensions dépassant le 2D augmentée de la dimension sonore du smartphone.
Connecter l’Esprit au Corps
Connecter son esprit au corps par le centre corporel habitue l’esprit à trouver son équilibre entre les possibilités mentales et imaginaires (comme le rêve ou les projets éveillés) et la réalité du terrain ici et maintenant de notre être corps-esprit Yin-Yang.
Un bon intellectuel a le sens pratique en éveil. Il est aussi sportif ou bricoleur, rêveur et réaliste.
Le second secret de l’esprit consiste à comprendre que tout ce qui est imaginaire est réel, mais pas nécessairement matériel. Ce qui est imaginé peut se réaliser. Nos projets se concrétisent parfois, bien que cela demande parfois un long et coûteux travail ou que cela survienne naturellement.
Depuis cinquante ans, je n’ai cessé d’imaginer ma progression vers la nouveauté dans mes pratiques. C’est une forme de rêve éveillé. Mes rêves nocturnes abordent parfois la pratique dans des contextes variés. Éveillé, envisager l’avenir s’apparente à rêver de son futur au présent.
L’ensemble des êtres vivants projette mentalement des choses. Cet ensemble transforme le paysage du temps de nos vies à travers des désirs, dont certains se réalisent et d’autres pas. La sphère humaine a beaucoup d’impact dans ces décisions, et nos désirs subconscients ne sont que rarement des survenues à bon escient. Il ne s’agit pas de de se flageller intellectuellement, mais de le percevoir, pour s’améliorer. Notre époque est charnière pour l‘humanité, car la jeunesse actuelle ressent le « no futur » possible.
L’Observation Neutre
J’ai étudié de nombreuses formes de concentration et de méditation. Elles passent toutes par une observation neutre de l’activité de l’esprit et du corps. Cette observation est essentielle dans tous les Arts martiaux et de santé que l’Asie nous a transmis. “Neutre” signifie sans jugement, sans émotion, brut tel quel, même face à ce qui est désagréable physiquement ou psychiquement.
La vraie Méditation est pour les guerriers. Ce n’est pas un loisir, il y a défi, sans guerre.
Le Yjing peut lui aussi devenir une Pratique Méditative de l’étude de la Sagesse. Non pas en croyant ce qui est écrit, mais en expérimentant le réel par le calcul d’hexagramme et l’observation neutre des résultats. N’envisageons pas l’objectivité comme atteignable, Einstein l’a tuée, avec la relativité générale, la micro-physique a ensuite enfoncé le clou définitivement : observer quelque chose, c’est l’influencer, donc le transformer. Nos esprits ont en général un faible pouvoir de transformation à notre échelle. Ce pouvoir, certains en ont plus que d’autres : l’inventeur de la roue a plus transformé notre monde que Napoléon, qui l’a lui aussi plus transformé que mon action personnelle en 70 ans.
Observer de façon neutre, sans chercher à modifier ce qui est observé, est simplement naturel à l’échelle de nos vies humaines, car nous ne savons pas qu’elles seront les conséquences imprévues à long terme de chacun de nos actes.
Méditer, c’est regarder en nous les processus de :
- La pensée
- La décision
- Les émotions
- Les effets du monde extérieur sur nous
À long terme, cela génère une expérience vécue authentique, non-issue d’un dogme ou d’une lecture. Cette expérience surpasse tous les livres et tous les discours – le vécu constitue une référence essentielle pour chacun. Ce qui est vu, perçu, vécu devient notre réalité individuelle.
Fusionner les Deux Pratiques
Rappel des Pratiques
- Centrer le corps en percevant le Dan tian autour de la zone de son centre de gravité au sein du corps global
- Centrer son attention silencieusement sur l’observation de ce qui est là tout de suite, en ralentissant l’apparition des pensées, et en acceptant l’apparition de nouvelles pensées sans s’y attacher
La Fusion
Lorsque notre ATTENTION se pose calmement et continuellement vers le centre de gravité de notre corps, que nous soyons en mouvement ou immobiles, notre esprit peut fusionner avec ce qu’il observe, si nous le souhaitons. Nous entrons alors dans l’univers mystique, alchimique, ce qui transforme notre personne et parfois notre santé. Cette zone du ventre en Médecine Traditionnelle chinoise correspond au premier Réchauffeur, le premier foyer, le premier Dan tian, où s’élabore l’énergie défensive Wei Qi, si précieuse dans les Arts martiaux et pour la bonne santé.
En fusionnant notre conscience dans cette zone, nous devenons le centre de notre corps. Le débutant apprend progressivement à habiter son corps par là et à fusionner avec ce centre ventral. Cet état d’unification se densifie avec l’habileté de la pratique. L’habileté de cette concentration finit par rayonner dans tout notre corps. Plus tard, c’est autour de nous que nous rayonnons par notre activité. Nos gestes corporels et notre biologie intime s’en trouvent améliorés.
Bien que passionné de science et de connaissance, je découvre par ce chemin ce que la science ne sait pas encore approcher par sa méthode savante et éprouvée. Mon habileté corporelle croît, même si elle décroît aussi par ailleurs avec l’âge (Yin-Yang temporel).
Tout ce qui monte doit redescendre, ces deux flux s’interpénètrent spatialement et temporellement de façon continue.
N’hésitez pas à vérifier la pertinence des vieux dictons !
Concluons avec le Changement Perpétuel
Le Yijing nous enseigne que chaque situation contient les germes de sa transformation.
Mon corps manifeste aujourd’hui certaines capacités tandis que d’autres s’estompent – non dans une logique de “perte” ou de “gain”, mais dans le mouvement naturel de la vie.
La science moderne observe certains aspects de la réalité tandis que la pratique traditionnelle en révèle d’autres. Aucune approche n’est “supérieure” – elles sont simplement différentes fenêtres sur le même paysage en perpétuelle mutation.
La voie que je vous présente est celle de l’harmonie avec les transformations naturelles : ni recherche de “progrès”, ni crainte du “déclin”, mais danse avec les mutations perpétuelles de l’existence.
À vous d’observer ces transformations dans votre propre expérience !
Georges Saby
Chercheur/Enseignant
georges-saby@orange.fr
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