Section 2 du Zhou Yi Lue Li : Résumé de l’Analyse

” Explications sur les Lignes pour comprendre les Changements “

 

Par-delà les méthodes

La sec­onde sec­tion ne suit pas la méth­ode posée par la pre­mière : rien de nou­veau en ce qui con­cerne les “élé­ments“ et pour l’essentiel des “proces­sus“ descrip­tifs. Sa forme et son con­tenu oblig­ent à plonger plus pro­fond vers la recherche du sens et dans une analyse plus fine des élé­ments textuels.

Wang Bi forge son sys­tème à par­tir de divers courants de pen­sée de l’époque Han. 

Il s’agit en fait plutôt d’“Expli­ca­tions sur les change­ments pour com­pren­dre les lignes”. Le Yi jing étant le “Clas­sique des Change­ments”, une fois précisé ce que sont les change­ments, la div­ina­tion n’en sera que plus effi­cace.

Mais les change­ments se définis­sent par ce qu’ils ne sont pas…

Cadre

Le fond cor­re­spond à la forme : les deux pre­mières et les deux dernières lignes en sont le cadre.

L’hexagramme exprime une péri­ode de sta­bil­ité (état ou mou­ve­ment) alors que les lignes mon­trent les prémices des change­ments d’une sta­bil­ité vers une autre.

La com­préhen­sion intime des principes à la base des change­ments est plus impor­tante que la “cui­sine” des analy­ses graphiques ou textuelles.

Efficacité du non-faire

Néga­tion rad­i­cale de l’approche du “faire”… wu wei “non-agir” est “dis­cuté” dans le Dao De Jing et “mis en œuvre” dans le Yi Jing.

[…] Une fois per­du le principe orig­inel, plus on se sur­passe en habileté plus on s’éloigne du sens. […]

Le retour au principe orig­inel élève le Livre des Change­ments au rang de pra­tique philosophique.

 

Premier chapitre 

Qu’est-ce que les lignes ?

Elles expri­ment les change­ments

Qu’est-ce que les change­ments ?

Il s’agit de change­ments d’état ou de mou­ve­ment

qu’il n’est pas pos­si­ble de dénom­br­er.

Parce que réu­nion et dis­per­sion, con­trac­tion et dilata­tion s’opposent dans une même entité,

une apparence agitée affec­tionne le calme ;

une nature sou­ple appré­cie la fer­meté.

Forme et ten­dance sont invers­es ;

nature et voca­tion s’écartent.

Trois souffles

  • “procla­ma­tion ” : un cad­ran solaire d’où sor­tent trois traits sym­bol­isant un souf­fle.
  • shì “augure” : 3 traits ver­ti­caux qui représen­tent les trois entités célestes soleil-lune-con­stel­la­tions.

Nous avons iden­ti­fié 3 natures des change­ments : état, mou­ve­ment, quan­tité aux­quelles cor­re­spon­dent 3 entités astrologiques : sta­bil­ité cen­trale solaire, mou­ve­ment et émo­tions lunaires, mul­ti­plic­ité des con­stel­la­tions…

Opposition sympathique forme/tendance

Que l’on par­le d’éléments mul­ti­ples con­vergeant ou s’écartant d’un cen­tre, ou d’un seul élé­ment qui se replie ou se déploie, la règle est la même : l’oppo­si­tion sym­pa­thique est due à une dif­férence de niveau de per­cep­tion : dynamique interne / apparence de dynamique.

Une matière “est”, sans rel­a­tiv­ité. Mais son aspect, elle est “plus ou moins” sou­ple ou ferme.

Le mou­ve­ment écarte l’état sta­ble de sa forme ini­tiale et sem­ble donc attiré, par ce qui est d’aspect dif­férent.

 

Deuxième chapitre 

Les cal­culs les plus ingénieux ne peu­vent en déter­min­er le nom­bre ;

les sages les plus per­spi­caces ne peu­vent en résumer les règles.

Ils sont pré­cisé­ment ce que les lois ne peu­vent uni­formiser,

ce que les mesures ne peu­vent réguler.

Ils provi­en­nent assuré­ment de quelque chose de grand !

Un chef des armées peut red­outer l’étiquette de la cour ;

vio­lent et autori­taire, on peut être épuisé par le vin et le plaisir.

Puis­sance des change­ments

néng man­i­feste la puis­sance.

Impos­si­bil­ité de dénom­br­er ou sys­té­ma­tis­er les change­ments.

Ce qui déter­mine les change­ments, ce par quoi on peut les iden­ti­fi­er, est para­doxale­ment leur “indéter­minabil­ité”.

L’ouverture à ce qui ne peut être dis­cerné, à la pro­fondeur abyssale d’une puis­sance sans lim­ite est une évo­ca­tion du wu intan­gi­ble à la base du wu wei « non-agir ».

Les change­ments ne sont pas de petites vari­a­tions issues des hexa­grammes :

Les change­ments con­vo­quent ce qu’il y a de plus grand ! 

Puissance et limites

Le chef des armées est puis­sant mais se trou­ve dans un con­texte où il ne maîtrise ni la sit­u­a­tion, ni lui-même. De la puis­sance on passe à l’impossibilité : pas d’unité, pas son ter­ri­toire, pas les bonnes armes…

Le change­ment exprime un désir et un mou­ve­ment pour une sit­u­a­tion de dif­férence, mobil­isant un retour à la source.

Appa­rait ici le rap­port puissance/limites, cœur de la dynamique des change­ments.

 

Troisième chapitre

La prox­im­ité n’implique pas l’alliance ;

la dis­tance n’implique pas la dif­férence.

Les sons iden­tiques se répon­dent en écho

alors qu’ils ne sont pas de même hau­teur.

Les dynamiques iden­tiques se recherchent mutuelle­ment

C’est ce qui attire le drag­on dans les nuages.

Ce sont les notes musi­cales mineures qui déter­mi­nent les notes majeures.

Deux femmes se haïssent l’une l’autre,

alors que ferme et sou­ple s’unissent dans un même corps.

De longs soupirs aux som­mets ne man­queront pas de rem­plir les val­lées loin­taines.

Ayant éparpil­lé leurs armes par terre, les six voisins ne peu­vent plus se pro­téger mutuelle­ment.

Tra­ver­sant une riv­ière sur le même bateau

Mon­gols et gens de Yue, mal­gré leurs haines, con­scients de leurs sen­ti­ments dif­férents,

oublient leurs diver­gences, ne s’inquiètent pas,

et s’entendent alors sans recourir à la force des armes.

Résonnances sympathiques

La réson­nance sym­pa­thique ne dépend pas de la dis­tance physique.

Cela explique pourquoi dans un cer­tain con­texte le troisième trait d’un hexa­gramme peut être beau­coup plus en rela­tion avec par exem­ple le six­ième qu’avec ses voisins en sec­onde et qua­trième place.

L’analogie entre “sommets/vallées” et “traits du haut/traits du bas” ain­si que la nature impérieuse de la réson­nance nous invi­tent à mod­el­er la lec­ture des hexa­grammes sur la puis­sance de cer­tains phénomènes naturels et extra­or­di­naires. Une dimen­sion sup­plé­men­taire est alors révélée.

Les six voisins font bien sûr allu­sion aux six traits de l’hexagramme.

Le non-emploi des moyens d’agir ou tenir à dis­tance, mais au con­traire la mobil­i­sa­tion des capac­ités per­son­nelles en faveur de l’association per­met à cha­cun de tra­vers­er l’épreuve d’un flux incer­tain.

 

Quatrième chapitre 

Capa­bles de par­ler à tous les cœurs ;

capa­bles de scruter toutes les pen­sées ;

dif­férents et ain­si con­scients de leurs pro­pres gen­res ;

dis­sem­blables et ain­si con­scients de leurs pro­pres rela­tions :

n’est-ce pas le priv­ilège de ceux qui com­pren­nent les lignes ?

Iden­tités remar­quables

Dans l’exemple précé­dent il y avait un dou­ble lien : externe, entre les deux rives de la riv­ière ; interne, lorsque cha­cun voy­ait en l’autre, un “même” en direc­tion iden­tique à la sienne.

Il y a ici un pont vers une vision élargie : les change­ments ne sont pas la rup­ture d’un équili­bre mais une dou­ble oppor­tu­nité : com­mu­ni­ca­tion flu­ide et har­monieuse avec l’autre et com­préhen­sion plus intime de sa pro­pre nature.

 

Cinquième chapitre

Pren­dre soin des proches fait venir les éloignés ;

ajus­tant la pre­mière note de la gamme, la sec­onde y fait écho ;

pren­dre soin de ce qui est en bas fait descen­dre ce qui est en haut ;

don­ner à celui-là et ain­si pren­dre à celui-ci qui s’incline.

Ain­si les motifs con­traires s’influencent en retour ;

dis­tant et proche se recherchent l’un l’autre ;

attrac­tion et répul­sion s’affrontent l’une l’autre ;

con­cen­tra­tion et expan­sion se stim­u­lent l’une l’autre.

Celui qui tient compte des cir­con­stances touchera au but ;

se dirigeant en ligne droite il s’en écarte.

C’est pourquoi il faut peser le pour et le con­tre afin de se pré­par­er aux change­ments.

La dis­cus­sion est le moyen de se pré­par­er pour ensuite évoluer.

On ne sait pas ce qui les dirige et en définit les rythmes,

de telle sorte que le monde entier s’y accorde

puisqu’il est à la source du mou­ve­ment de cha­cun.

Impérieuse har­monie

Etab­lisse­ment d’une har­monie mal­gré des dif­férences. Cet “accord”, con­sid­éré musi­cale­ment selon la sec­onde ligne, fait “venir” des notes plus éloignées.

zhì “arriv­er, attein­dre, par­venir” : déter­mi­na­tion d’un oiseau qui pique (tombe).

exprime une “con­séquence néces­saire” : per­dre son intérêt per­son­nel.

Changement et intégrité

La trans­for­ma­tion du naturel par l’exercice de la morale et le développe­ment de la cul­ture passe par un appau­vrisse­ment de la qual­ité de l’être.

3 formes de rela­tions par dif­férence.

  • ce qui est éloigné cherche à se rap­procher
  • si la déter­mi­na­tion à résoudre est forte, l’attaque ne vise pas à détru­ire, mais plutôt à con­ver­tir fer­me­ment et patiem­ment.
  • les deux cas précé­dents trait­ent une dis­tance extérieure. Con­cer­nant un même organ­isme on peut par­ler de “trans­for­ma­tion” : de change­ment de forme.

Le point com­mun est la préser­va­tion de l’intégrité.

Pied droit, pied gauche : garder son cap

Dou­ble aspect et dis­tinc­tion dans la démarche : la dis­cus­sion ne sert pas à exprimer un point de vue per­son­nel et des dif­férences extérieures. Peser le pour et le con­tre per­met d’affirmer un point de vue par­ti­c­uli­er en ten­ant compte du tronc com­mun et des pos­si­bles autres décli­naisons.

Motivations

Impos­si­bil­ité de définir ce qui ori­ente les change­ments.

Idée du bal­ance­ment d’un élan col­lec­tif pour un ren­force­ment du cen­trage indi­vidu­el.

 

Sixième chapitre 

En vérité se mod­el­er sur les trans­for­ma­tions du Ciel et de la Terre et ain­si, sans erreur,

pren­dre soin de l’accomplissement de tous les êtres, sans en omet­tre aucun,

com­pren­dre pro­fondé­ment la voie du jour et de la nuit, mais ne pas avoir de sub­stance :

un yin, un yang, inépuis­able­ment ;

rien d’autre au monde ne peut être plus changeant !

Les lim­ites du change­ment

Prenant appui sur l’opposition on se fau­file dans l’espace médi­an.

Cadre (bis)

Deux principes invers­es, extrêmes, com­plé­men­taires.

Plein accomplissement

Il n’y a au sein du cadre aucune omis­sion… Nous glis­sons de la néga­tion à l’absence.

Emergence

Décou­verte d’une “voie de com­mu­ni­ca­tion entre deux lim­ites”.

Dépasse­ment d’un flux infran­chiss­able et inté­gra­tion des lim­ites.

Entre les lignes

Les qua­tre étapes for­mu­lent donc suc­ces­sive­ment :

  • la déf­i­ni­tion et le respect d’un cadre,
  • le plein accom­plisse­ment de tous dans ce cadre,
  • l’émergence hors du cadre,
  • la plongée vers le sans-lim­ite.

Puissance des changements (bis)

Rien au monde n’égale la puis­sance et ne parvient aus­si loin que les change­ments !

 

Septième chapitre 

En vérité les hexa­grammes per­pétuent la qual­ité du moment

alors qu’entre les lignes sur­gis­sent les change­ments.

Hexa­grammes et lignes

yáo « lignes » con­tient les idées d’alternance (entre les traits con­ti­nus et dis­con­ti­nus) et de tranch­er (un trait est soit yin, soit yang).

cún “sub­sis­ter”. L’idée générale est de “préserv­er la vie”.

shì “augure”. “le Ciel instru­it les hommes”. Edu­quer : “con­duire hors de, élever” (Lit­tré). Un flux cen­tral émergeant de lim­ites. Autel ances­tral où s’opéraient les sac­ri­fices et la pré­pa­ra­tion des paires d’omoplates ou de plas­trons : image d’une paire (pour con­fronta­tion et ajuste­ment) d’où jail­lit l’esprit.

biàn “augure”. Guid­ance et énergie (une main rec­ti­fi­ant un flux émergeant entre deux lim­ites)