MARIE ET ALBERTO
Après une relation passionnelle, Marie et Alberto se sont séparés depuis longtemps. Mais voilà qu’Alberto revient de l’étranger où il était parti « vivre une autre vie »… Il recontacte Marie après huit ans d’absence.
Et cela la perturbe énormément.
Elle décide d’interroger le Yi Jing…
Sa question :
« Avec quel état d’esprit dois-je vivre actuellement cette relation avec mon ex. mari ? »
La réponse :
Hexagramme 38, « Divergence »
avec les traits 1 et 4 mutants
=> Hexagramme 4, « Jeune fou » en hexagramme de perspective.
(Mais avant de commencer l’analyse, il serait peut-être bon de revoir le protocole exposé précédemment)
H. 38, « Divergence »
Hexagramme de situation
H. 4, « Jeune fou »
Hexagramme de perspective
1 – Analysons pour commencer la figure du 38, « Divergence »
Nous constatons une majorité de traits yang (4 sur 6)
Tous les traits sont en position incorrecte par rapport à l’hexagramme 63 où tout est en ordre, sauf le 1er trait. Cette relation semble donc fortement instable et tire vers le yang.
De plus, l’enveloppe de cette figure (1er et dernier traits) est de dynamique été c’est à dire qu’elle possède un tempo flagrant, expansif.
Nous avons déjà une idée générale de l’ambiance vigoureuse et instable provoquée par le retour d’Alberto, situation où Marie n’a malheureusement pas la main pour agir (5ème trait non mutant).
Maintenant, si nous regardons les deux trigrammes composant la figure, nous avons :
A l’externe, Li, la Lumière : elle voit clair vis-à-vis de son ex. Alberto. | |
A l’interne, nous avons Dui, la Brume – : Marie a bien envie de communiquer |
La Grande Image nommant le trigramme Li en premier, c’est celui qui prendra le pas sur l’autre. Marie accordera donc plus d’importance à sa lucidité qu’à son désir d’échanger facilement avec Alberto pour aplanir les difficultés.
2 – L’hexagramme opposé
Le 39, « Obstruction » révèle ce que n’est pas la situation, surtout au niveau stratégique.
Découvrir le terrain commun entre l’hexagramme de situation et l’hexagramme opposé permet de mieux saisir le point important autour du quel tourne la réponse. Entre le 38, « Divergence » et le 39, « Obstruction », se trouve en commun une déficience corporelle (de la vision avec « Divergence » et de la marche avec « Obstruction ») avec des directions différentes : pour le 38, la stratégie est de maintenir la différence de potentiel entre eux deux (Marie et Alberto) pour rendre la contradiction féconde alors que dans le 39, la stratégie est de ne rien maintenir mais de faire un retour sur soi-même en prenant du recul afin de mieux évaluer et dépasser l’obstacle.
Le champ d’interprétation se réduisant, la réponse devient plus précise.
Nous comprenons donc, grâce à l’hexagramme opposé, qu’il ne s’agit pas pour Marie de prendre du recul pour dépasser un obstacle, mais bien d’intégrer l’obstacle pour le rendre fécond.
Nous avons ainsi avec l’opposé une nouvelle indication pour Marie : il n’y a pas d’obstacle à dépasser ou même à évaluer. Ce n’est pas une situation de conflit mais de désaccord et de tension. (Le Ciel antérieur du 18, « Divergence », étant le 6, « Plaider sa cause », nous saisissons le conflit dont elle est sortie par l’arbitrage d’un divorce. Rappelons que nous avons avec le Ciel antérieur une sorte de genèse intérieure des situations). Ici, il ne s’agit donc pas d’envisager une nouvelle séparation.
3 – Le nucléaire
C’est le 63, « Déjà traversée ». Cela signifie, qu’au cœur de cette situation tendue, œuvre un processus qui équilibre et qui maintient deux forces opposées en relation.
Quand on a le 63, il s’agit de demeurer le plus possible dans le 63 où tout est en ordre. Freiner les mouvements qui risquent de conduire au désordre. Comment ? Justement par la stratégie des « petits pas » annoncée dans le Jugement de « Divergence » que nous allons voir un peu plus bas. La remise en ordre est bien là par le divorce. Il ne s’agit donc pas de la gâcher et de retourner vers le conflit du Ciel antérieur !
4 – L’hexagramme de situation
Le 38, « Divergence », incite Marie à ne pas focaliser sur sa propre vision des choses. Ne pas nier les antagonismes mais ne pas en faire un obstacle. Rendre la contradiction féconde en vue de l’atténuation progressive des tensions, et pour cela : trouver le ou les terrains communs où l’entente est réalisable…
Marie doit donc aller à petits pas et avec précaution dans le dialogue en limitant ses exigences. Faire entendre diplomatiquement les divergences, et ceci dans un esprit de concorde.
C’est l’ouverture à la différence mais sans soumission, en restant soi-même. Et ce, nous avons déjà pu le constater dans l’analyse des trigrammes : sa lucidité reste prioritaire. Mais n’oublions pas qu’elle n’a pas la main ! Voyons ce que les deux traits mutants qui personnalisent le tirage de Marie lui précisent :
5 – Les traits mutants
1er trait :
C’est le trait d’entrée dans cette situation où la divergence est d’actualité. Le texte de cette première ligne commence bien, avec un : « Tout regret disparaît », formule mantique qui incite à tourner la page… Mais voilà, la « perte du cheval » annoncée par la suite dans texte est moins cool. Cela peut signifier deux choses à la fois : Marie est dans un état de fatigue (le cheval étant symbole de force et d’endurance), et en même temps, elle voit disparaître quelque chose à laquelle elle tenait ou qu’elle espérait… Or, elle ne doit pas « s’efforcer de poursuivre » et donc d’aller à l’encontre du problème car la situation va se rétablir d’elle-même : « Spontanément RETOUR ». Ce dernier en majuscule car c’est ici l’hexagramme 24 qui est nommé avec toute sa symbolique. Lorsque l’on a « Retour », on se garde d’agir brusquement, mais uniquement en accompagnant le mouvement avec la plus grande attention car le retour du Yang est très fragile. Ici, le Yang peut tout aussi bien représenter le retour de ses forces et/ou le retour de son Alberto.
Le texte de la ligne lui indique autre chose : elle doit avoir une meilleure vision de la situation. « On voit des être méchants », pris dans un autre contexte que « Divergence » où il s’agit justement de modifier son regard, aurait pu donner lieu à une autre interprétation. Lorsque l’on interprète un texte, il faut toujours revenir au sens de l’hexagramme, à son contexte et au contexte de la question. Cela évite de partir en « live ». Il s’agit ici pour Marie d’éviter la vindicte dès le départ.
Autre info contenue dans le trait, non pas par son texte mais par sa position structurelle : ce trait est sans relation yin/yang avec les autres (ni correspondance ni voisinage). Cela signifie que Marie aurait tendance à se couper, à s’isoler, d’autant plus que sa vision des choses n’est pas au top. Or, cela ne va pas du tout dans le sens de l’hexagramme réponse. Il va donc falloir qu’elle revoie sa copie.
Une idée se superpose à la compréhension de ce premier trait : c’est l’histoire bien connue du cheval échappé au paysan qui, en fait, s’avère être un bienfait au lieu d’être une perte. Là aussi, c’est une indication à mieux appréhender les choses. Dans le contexte du Yi Jing, le terme « perte » étant employé pour désigner une disparition qui, toujours bénéfique, est d’abord ressentie comme une privation.
Autre interprétation pour ce premier trait : c’est celui qui introduit la tension (yang). Sa position est comparable à celle du doigt qui bande la corde de l’arc (image de l’hexag.). C’est sa force yang qui le permet, mais son efficacité réside dans le fait de lâcher prise. La place correcte de ce trait initial le pousserait à exercer sa volonté yang (majoritaire dans l’ensemble des traits) pour atteindre le but qu’il se propose, mais c’est le contraire qui est utile. Ce qu’il cherche vient à lui aussitôt qu’il relâche la tension. Il s’agit de sa correspondance implicite et structurelle avec le 4ème trait avec lequel il cherche à s’unir. Même s’il est sans relation yin/yang (Marie ne voit qu’un être méchant…). Cette rencontre s’obtient par le non agir.
Maintenant, en ce qui concerne la formule mantique finale « Absence de faute », elle a rapport à l’ensemble du trait et non pas uniquement à la ligne précédente…
Quant au dérivé 64 de la ligne, « Pas encore traversée », il signifie tout simplement que dans cette situation chaotique, tout est à faire en respectant les forces en présence.
4ème trait
Le désaccord est effectif. Ce quatrième trait, dit Ministre, dont la qualité est la communication a bien du mal… ! Marie se sent seule, « Esseulée en Divergence » (annoncé au 1er trait) mais la possibilité d’une nouvelle rencontre est présente avec la « rencontre avec un être d’initiative ». Or initiative = yang. C’est ce yang annoncé à la première ligne avec le « Retour ». On aurait pu croire dans une première lecture qu’il s’agissait de la rencontre avec quelqu’un d’autre (ce que Marie cru comprendre lors de l’interprétation du tirage). Mais c’était ne pas tenir compte de la résonance avec la 1ère ligne et surtout du contexte de la question et de l’hexagramme obtenu en réponse. Si elle devait rencontrer un autre homme, elle n’aurait sans doute pas obtenu « Divergence » en réponse à sa question. Elle aurait pu avoir « Délivrance » ou bien autre chose… C’est pour cela qu’il est précieux de connaître le sens des autres hexagrammes…
Dans cette ligne, il est donc conseillé à Marie, et ce, malgré le « danger », de répondre à l’appel et de se laisser porter par le courant de confiance qui l’entraîne à « nouer des relations ». Ainsi un nouveau départ sera initié dans un esprit de concorde (sens de l’hexagramme). Ne pas hésiter à le faire, ceci étant le sens de la formule mantique « absence de faute ».
Le dérivé, 41, « Diminuer » précise le texte de la ligne : il s’agit de décanter et privilégier la qualité à la quantité. Une perte des faux-semblants permettra l’accroissement de la qualité dans la relation avec Alberto. C’est un moment d’apaisement de la colère et de la réduction de l’émotion.
6 – L’hexagramme de perspective
Rappelons que l’hexagramme de perspective indique l’angle sous lequel l’hexagramme réponse doit être lu et le type d’agencement vers lequel il se dirige. On pourrait aussi dire que la situation de « Divergence » pour Marie est « grosse » du « Jeune fou ». Regardons :
Le 4, « Jeune fou ». C’est apprendre. Mais aussi apprendre à apprendre.
Apprendre à maîtriser dans la durée une énergie impétueuse et maladroite mais pourtant prometteuse
Certainement celle d’Alberto mais aussi la sienne sur le plan de l’émotionnel.
La Grande Image signale qu’il faut « assumer son agir ». Marie doit donc se tenir à une ligne de conduite.
Un potentiel s’éveille au cœur de la situation : le 24, « Retour » ! Cependant, il demande à être accompagné avec soin et vigilance.
7 – Epilogue
Mais le plus important n’est-il pas d’imaginer que la situation dans laquelle ils sont dorénavant engagés a quelque chose à leur enseigner ?
Pour la petite histoire, Alberto a réapparu le jour de ses 50 ans, les bras chargés de fleurs.