Le “Livre des Trans­for­ma­tions” est un livre… Un livre organ­isé en un foi­son­nement struc­turé de textes. Mais cette quan­tité de textes n’est depuis l’o­rig­ine pro­duite que pour éclair­er l’ex­pres­sion graphique de 64 qual­ités énergé­tiques. Ce sont en effet les hexa­grammes qui expri­ment l’essence du Yi Jing.
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Les textes sont de trois natures :

1) Il y a tout d’abord les sen­tences qui com­mentent les hexa­grammes et les traits.

2) Ces pre­mières appré­ci­a­tions sur les hexa­grammes ont elles-mêmes été ensuite l’ob­jet de com­men­taires par d’autres exégètes. C’est d’ailleurs en par­tie l’a­mon­celle­ment de com­men­taires qui jus­ti­fie le qual­i­fi­catif Jing (Clas­sique) dans l’ex­pres­sion “Yi Jing”.

3) A côté du réper­toire présen­tant les 64 sit­u­a­tions a pro­gres­sive­ment été con­sti­tué puis assem­blé un cor­pus de 7 annex­es : “les Dix Ailes” ( ! ).
En émer­gent tout par­ti­c­ulière­ment les 5ème et 6ème Ailes : elles con­stituent le “Grand Com­men­taire”, véri­ta­ble socle de la pen­sée chi­noise. C’est entre autres dans ce doc­u­ment qu’ap­pa­raît pour la pre­mière fois le fameux cou­ple “Yin/Yang”.
Les 3ème et 4ème Ailes con­ti­en­nent “La Grande Image” : le texte tra­di­tion­nelle­ment ajouté aux com­men­taires ini­ti­aux sur les hexa­grammes et les traits.

Puisque les textes sont postérieurs aux gra­phies, il est com­muné­ment admis qu’ils en sont (au moins par­tielle­ment) la con­séquence. On trou­ve en effet dans les Dix Ailes de nom­breuses jus­ti­fi­ca­tions graphiques plus ou moins cohérentes au pronos­tic (favor­able ou non) et à la stratégie pro­posés par les textes.

Fig­urons à ce pro­pos les trois étapes impor­tantes qui ont précédées l’élab­o­ra­tion du “livre” :

Phase 1 : Du sac­ri­fice à l’hexa­gramme
— Les sac­ri­fices d’an­i­maux par le feu sont accom­plis afin d’obtenir les bonnes grâces des esprits de la nature et des ancêtres. La réponse des “shen” à ces rites chamaniques, la val­i­da­tion ou non du sac­ri­fice, est délivrée dans les restes du brasi­er : 600px-Orakelknochendes os cal­cinés dont le périoste (l’ensem­ble des couch­es de la périphérie) a éclaté sous l’ac­tion de la chaleur. C’est l’in­ter­pré­ta­tion div­ina­toire de ces fis­sures,  la scapu­lo­man­cie, qui est à la base du Yi Jing.
— De la réponse au sac­ri­fice on passe à une forme plus spé­ci­fique­ment div­ina­toire : l’ap­proche est affinée et stan­dard­is­ée : on la pra­tique sur des os plus larges (omo­plates de bovidés, puis plas­trons de tortues) et plutôt que de jeter les os dans le feu on y creuse préal­able­ment des cav­ités dans lesquelles est appliqué un tison. Les fis­sures sont ain­si facile­ment obtenues, leur reg­istre est réduit, elles sont local­isées et donc plus aisé­ment clas­si­fi­ables. Elles sont traduites en super­po­si­tion de signes que nous finirons par appel­er “hexa­grammes”.

Phase 2 : Des pre­mières inter­pré­ta­tions aux for­mules man­tiques
— Sur les sur­faces osseuses sont gravées par le devin les cir­con­stances, l’in­ter­pré­ta­tion et les con­clu­sions de l’o­r­a­cle. Par­mi ces anno­ta­tions on observe la récur­rence d’ap­pré­ci­a­tions lap­idaires qui con­stitueront en par­tie le futur texte du Yi Jing (Cyrille Javary a par­ti­c­ulière­ment tra­vail­lé ces notions et les nomme “for­mules man­tiques”). Ce sont peut-être les plus anciens élé­ments textuels, mais aus­si le seul véri­ta­ble vocab­u­laire com­mun entre les dif­férentes sit­u­a­tions.

Le “Livre des Trans­for­ma­tions” est un livre… (2/2)

CRÉDITS IMAGES (dans l’ordre d’affichage) : Alain Leroy / Herr Klugbeisser (omoplate de tortue, musée de Shanghai).