Les méthodes du hasard
On ne “tire” pas un hexagramme, on le calcule à l’aide du hasard et “d’instruments”, les deux plus connus étant, soit cinquante tiges d’achillées (ou de bambou), soit trois pièces de monnaie.
J’en ai inventé un, il y a peu, plus simple, car n’utilisant qu’une seule et unique pièce et pas de calculs pour déterminer la valeur Yin ou Yang d’un signe et leur nature naissante ou mutante.
Cette méthode a une histoire où le hasard a bien sûr un rôle.
J’avais écrit dans ces pages, un article sur les autres méthodes de calcul du Yi Jing, suite à la découverte du site de Remo Dendato : Casting I Ching Hexagrams qui analysait celles de son invention ou modifiées/améliorées par lui, proposées par des internautes ou encore trouvées sur d’autres sites et surtout à même de fournir un mode réel de calcul aléatoire, ce qui n’est pas le cas de toutes.
Déboires d’une formation accélérée
Il y a peu un de mes amis a reçu en cadeau le “gros livre rouge” et je lui ai fait un petit cours accéléré sur comment s’en servir, et bien sûr on en est venus à parler de la méthode de calcul la plus “simple” avec le lancer des trois pièces de monnaies.
L’ouvrage est resté sur son étagère jusqu’au jour ou, suite à un problème grave, il eut besoin d’un avis urgent, de savoir quoi faire. Il prit alors le Yi Jing et au lieu de calculer l’hexagramme de la situation, il ouvrit au hasard le livre et lu le conseil qui s’avéra être le bon, celui qu’il fallait suivre.
On en parla et je calculai avec lui l’hexagramme nucléaire, et l’hexagramme opposé qui confirmèrent la pertinence du conseil lu, mais je lui reprochais de ne pas avoir utilisé le calcul avec les pièces qui lui aurait permis d’affiner sa compréhension de la situation. “Pas le temps, trop compliqué…” fut sa réponse. Débutant total, la méthode de calcul d’un hexagramme à l’aide des trois pièces lui semblait trop abstraite et pas assez rapide au regard de l’urgence.
Je ne lui jette pas la pierre, il faut une pratique régulière du Yi Jing pour que ces calculs même si simples (2+2+2=6= Yin mutant, 2+2+3=7=Yang naissant, etc.) deviennent des automatismes.
Je me posais alors la question : pouvait-on imaginer une méthode encore plus simple ? Si oui laquelle ?
Une méthode encore plus simple ?
Je me suis mis à relire les passages consacrés au calcul de l’hexagramme dans les différents livres que je possède, le site de Remo Dendato sur les différentes méthodes utilisées de par le monde et finalement l’article que j’avais écrit sur le sujet.
C’est la citation de John Cage, grand utilisateur du Yi Jing, au début de l’article qui me donna l’idée initiale : “Jetez une pièce en l’air, elle retombera dans un réseau.” Une pièce, pas trois. Une pièce à laquelle tous les livres recommandent d’attribuer un côté au Yin et un autre au Yang.
Pile, Face, Yin, Yang, une pièce. Pile, Face, Yin, Yang une pièce… Cela tournait en boucle dans ma tête comme une pièce jetée en l’air qui ne retombait jamais.
On pouvait avec une seule pièce calculer la “saveur’ Yin ou Yang d’une situation. Il suffisait de la lancer et voir de quel côté elle tombait. Mais comment savoir si “l’attribut” de cette saveur était naissant ou mutant ? Et la solution est apparue tout de suite, simple et élégante. Pour connaître l’attribut de cette saveur Yin ou Yang il suffisait juste de relancer la pièce une deuxième fois.
J’ai vraiment eu un choc, me disant que c’était trop simple, que quelqu’un y avait déjà sûrement pensé ou au pire prouvé que cela ne pouvait fonctionner. En même temps que je recherchais si la méthode avait été déjà décrite sur internet, je commençais des tirages à blanc (sans questions) pour juste savoir si le système fonctionnait, c’était le cas. Un rapide calcul me montrait aussi que la méthode était tout à fait neutre du point de vue du hasard avec autant de probabilité d’avoir un Yin ou un Yang au premier lancer, et autant de probabilité d’avoir un attribut naissant ou mutant au second, et après quelques jours de recherches, je ne trouvais rien sur internet sur le calcul d’un hexagramme à l’aide d’une seule pièce. J’écrivis la méthode (voir plus bas) et envoyais le tout à Remo Dendato lui demandant s’il connaissait déjà ce type de “tirage”, et si mon estimation concernant la neutralité du calcul était fondée. Deux jours plus tard il me répondait que c’était effectivement la première fois qu’il voyait une telle manière de faire et que les probabilités, recalculées par ses soins, de 1/4 étaient les mêmes que celles des “Dutch Sticks” une des meilleures d’un point de vue neutralité du hasard. La méthode à une pièce sera prochainement publiée sur son site et c’est celle que je vous livre maintenant :
La méthode
Nouvelle méthode de calcul d’un hexagramme à l’aide d’une seule et unique pièce de monnaie
Vous avez besoin d’une seule et unique pièce de monnaie.
- Déterminez quel côté de la pièce sera Yin ou Yang. Par convention et avec un moyen mnémotechnique simple on attribue le Yin à Pile et le Yang à Face.
- Écrivez votre question
- Concentrez-vous et lancez la pièce.
Elle tombera soit du côté Yin (Pile) ou du côté Yang (Face), c’est ce que j’ai appelé la saveur de la situation. Retenez le signe obtenu, puis relancez la pièce à nouveau pour calculer l’attribut de cette dernière.
Vous avez alors encore et uniquement deux possibilités soit de nouveau un Yin (Pile), ou soit un Yang (Face) :
⇒ Si votre premier lancer était un Yin et que vous avez au deuxième lancer un autre Yin (Pile, Pile) alors vous aurez un Yin naissant (que des Yin)
⇒ Si votre premier lancer était un Yang et que vous avez au deuxième lancer un autre Yang (Face, Face) alors vous aurez un Yang naissant (que des Yang)
⇒ Si votre premier lancer était un Yin et que vous avez au deuxième lancer un Yang (Pile, Face) alors vous aurez un Yin mutant (Un Yin au départ et un Yang qui apparaît)
⇒ Si votre premier lancer était un Yang et que vous avez au deuxième lancer un Yin (Face, Pile) alors vous aurez un Yang mutant. (Un Yang au départ et un Yin qui apparaît)
Notez le signe définitif obtenu pour la première ligne.
- Répétez 5 autres fois (avec deux lancers à chaque fois pour chaque ligne) pour obtenir votre hexagramme définitif avec ses lignes mutantes ou non.
Les pour et les contre de la méthode
Pour : C’est extrêmement simple, il n’y a pas de calcul à faire (2+2+3, etc.), de risques d’erreurs en les faisant, comme de se référer à une fiche pour déterminer quel signe est apparu au final, mais juste un rapide moyen très visuel d’identifier le Yin, Yang naissant ou mutant avec une seule et unique pièce et deux lancers par signe.
Les débutants devraient, je pense, aimer cette méthode ou seule la table de correspondance des trigrammes est nécessaire.
La méthode est totalement neutre et donc fiable du point de vue du hasard, avec autant de “chance” d’avoir soit un signe Yin, Yang, naissant ou mutant.
Contre : C’est très, très rapide et donc peut-être pas assez “lent”, pas assez “méditatif” pour certain·e·s. Il est vrai que le calcul du lancer des trois pièces, ou avec les tiges, permettait cette pause de réflexion entre chaque ligne et l’hexagramme se construisait petit à petit, ce n’est plus réellement le cas avec la méthode à une pièce.
On perd aussi, et c’est peut-être le plus perturbant, la symbolique des nombres (Yin = pair, Yang = impair) que l’on avait avec les 3 pièces et donc les indications dans l’ouvrage par ligne (au début un six, etc.).
…Mais je me dis que c’est ce sûrement ce que les partisans du calcul de l’hexagramme avec les tiges d’achillées devaient penser lorsque la méthode des 3 pièces est apparue.
En conclusion
À chacun·e·s de choisir la méthode qui lui convient le mieux au final. Mais si vous n’avez qu’une seule pièce de monnaie dans votre poche (qui n’en a pas ?) vous savez désormais que vous pouvez calculer votre hexagramme de situation sans problème.
Alban Sanz – Mars 2023