4 – Classification

以類萬物之情。  yǐ lèi wàn wù zhī qíng.

afin de clas­si­fi­er les dix mille êtres par leurs pro­pres natures.

wan wuNous avons déjà vu “以yǐ” à la phrase précé­dente : il indique une con­séquence, une sec­on­dar­ité. “類lèi” désigne une clas­si­fi­ca­tion par analo­gie. “萬物wàn wù” cor­re­spond aux “dix mille êtres” et exprime l’idée de mul­ti­tude, de grouille­ment et de diver­sité. Nous traduirons “之情” par “leur pro­pre nature” : le dernier mot est com­posé à gauche de la clé du cœur et à droite d’un car­ac­tère qui indique la couleur, l’ap­parence. Il s’ag­it donc de ce qui se man­i­feste à l’ex­térieur de la nature intime.

作結繩而為罔罟,    zuò jié shéng ér wéi wǎng gǔ

Nouant des cordelettes il fab­ri­qua des filets et des nass­es

On trou­ve dans les annex­es du Zhou Yi la jus­ti­fi­ca­tion mythologique de quelques grandes inven­tions, soi-dis­ant inspirées des fig­ures du Yi Jing. Si ces affir­ma­tions sont plus que dis­cuta­bles his­torique­ment, elles ont une grande valeur pour com­pren­dre la pen­sée qui s’est pro­gres­sive­ment élaborée autour et depuis le Livre des Change­ments.

Nous avons déjà ren­con­tré “作zuò” : il a le sens de “inven­tion, fab­ri­ca­tion. “結jié” veut dire nœud, lien, attach­er. “繩shéng” se traduit par “corde”.

“而ér” est une par­tic­ule courante de liai­son qui indique la sec­on­dar­ité, le pro­longe­ment. Son graphisme représente une plante ou une barbe dont les fil­a­ments s’é­ten­dent en tous sens.

“為wéi” a le sens de fab­ri­quer, mais aus­si celui de trans­former et d’imiter. “罔wǎng” et “罟gǔ” sig­ni­fient tous deux “filet, nasse, piéger, leur­rer”. Toutes leurs gra­phies anci­ennes représen­tent quelque chose blo­qué sous ou dans un con­tenant.

wang

以佃以漁, yǐ diàn yǐ yú

pour la chas­se et la pêche

Comme déjà dit plus haut “以yǐ” indique une con­séquence, un sec­ond temps. “佃diàn” et “漁yú” se traduisent respec­tive­ment par “chas­se” et “pêche”.

Les cordelettes nouées étaient en Chine anci­enne comme dans d’autres civil­i­sa­tions un des moyens util­isés pour la représen­ta­tion des quan­tités numériques. On en trou­ve la trace graphique dans les deux tableaux “reçus” : le Ho Tu et le Lo Shu. Selon la mytholo­gie, Fu Xi fit cor­re­spon­dre aux 8 direc­tions du Ho Tu la dis­po­si­tion des 8 tri­grammes dite du “Ciel antérieur”.Ho Tu et Lo Shu

5 – Lumière, clarté

蓋取諸離。 gài qǔ zhū lí

Il s’in­spi­ra pour cela de (l’hexa­gramme) Clarté.

“蓋gài” est éty­mologique­ment le toit en chaume d’une mai­son, et par exten­sion l’idée de con­stru­ire sur la base d’autre chose.

On retrou­ve ensuite l’ex­pres­sion “取諸qǔ zhū” qui indique la dis­tinc­tion au sein d’une glob­al­ité.

“離lí lumière, clarté” est le nom de l’hexa­gramme 30, lui-même redou­ble­ment du tri­gramme de même nom. Ils expri­ment la notion de réu­nion et de sépa­ra­tion, la cap­ture, le soleil, mais aus­si deux créa­tures dont nous aurons l’oc­ca­sion de repar­ler : le drag­on jaune et le lori­ot. C’est d’ailleurs selon le Shuo Wen l’o­rig­ine éty­mologique du car­ac­tère : l’oiseau jaune dont le chant fait appa­raître les vers à soie. D’où la notion de cap­ture et de tis­sage…

Fuxi_et_NüwaLa couleur jaune est en Chine la couleur de la cen­tral­ité, et c’est bien par la trans­for­ma­tion du trait cen­tral de chaque tri­gramme que l’on obtient depuis le pre­mier hexa­gramme du Livre des Trans­for­ma­tions l’hexa­gramme 30 (en dernière posi­tion de la pre­mière par­tie du Yi Jing).

Tou­jours depuis le pre­mier hexa­gramme et à pro­pos du drag­on jaune : c’est au trait 2 que le drag­on appa­raît, trans­for­mant le tri­gramme du bas en Li, l’œil, la clarté. Finis­sons à ce sujet par remar­quer que sur la plu­part des illus­tra­tions, Fuxi et sa sœur Nuwa ont une tête humaine mais pos­sè­dent tous deux un corps de drag­on…

6 – Conclusion et pratique

Nous voici donc au terme de ce laborieux décryptage… La tra­duc­tion résul­tante est loin d’être par­faite, mais l’ob­jec­tif de ces trois arti­cles était de dégager l’in­ten­tion et les notions soutenues par ce texte fon­da­teur. Je serais par con­tre ravi si ce dépous­siérage vous per­me­t­tait d’en pro­pos­er une meilleure ver­sion !…

L’archéolo­gie nous a mon­tré que l’ostéomancie et la chélo­nioman­cie (Pr Van­der­meer­sch) se basaient sur l’ob­ser­va­tion des fis­sures. La pré­pa­ra­tion des sup­ports visait à créer un cadre micro­cos­mique où pou­vait se pro­jeter la con­fig­u­ra­tion du monde. Dans nos façons plus mod­ernes d’u­tilis­er le Yi Jing, l’in­ter­pré­ta­tion orale ou la lec­ture de com­men­taires n’in­ter­vient qu’en dernier lieu : la réponse est d’abord ren­due vis­i­ble par l’ob­ten­tion de fig­ures graphiques.

Div­ina­tion et Vision juste (9/12)

Div­ina­tion et Vision juste (11/12)

CRÉDITS IMAGES (DANS L’ORDRE D’AFFICHAGE) :  ALAIN LEROY / ALAIN LEROY / ALAIN LEROY / wikipedia