La voie boud­dhiste de l’oc­tu­ple sen­tier se décom­pose en deux branch­es prin­ci­pales dont la pre­mière est toute entière dédiée à la Vision. La sec­onde branche est appelée …Trans­for­ma­tion et cor­re­spond aux sept autres sen­tiers (émo­tion, parole, action, moyens d’ex­is­tence, effort, prise de con­science et médi­ta­tion justes). Ain­si la Vision Juste est pre­mière dans l’oc­tu­ple sen­tier, mais elle est égale­ment con­sid­érée en regard des autres, en regard de la trans­for­ma­tion.

La notion de philoso­phie est une con­struc­tion occi­den­tale. Le mot indi­en “darsana”, abu­sive­ment traduit par “philoso­phie” provient d’un mot sig­nifi­ant “voir, ce qui est vu, per­spec­tive” et qui lorsqu’on le traduit par “com­préhen­sion” se réfère davan­tage à l’ob­ser­va­tion atten­tive qu’à la rai­son. On traite donc ici de la dif­férence fon­da­men­tale entre l’ab­strac­tion occi­den­tale ‑la pensée‑, et l’ex­péri­ence directe ori­en­tale.

Le boud­dhisme con­sid­ère deux sortes de visions : la mau­vaise et la bonne ! La vision juste est définie comme le con­traire de la fausse… Il s’ag­it ain­si et tout d’abord d’une vision désen­com­brée de ses défauts.

H20La vision n’est jamais abstraite : il s’ag­it tou­jours de la vision de quelqu’un.  Dis­tin­guons donc deux sortes de per­son­nes : ceux qui ont une vision fausse et ceux qui ont une vision juste. La tra­di­tion boud­dhiste les nomme respec­tive­ment prthag­janas “les gens ordi­naires” et aryas “les êtres nobles”.

La ten­ta­tion est grande de rap­procher ces ter­mes de 小人 (xiǎo rén) et 大人 (dà rén), respec­tive­ment “l’être petit” et “l’être grand” de notre Yi Jing. 君子 “l’homme noble” ou “l’être accom­pli” de la Grande Image, lorsqu’il con­sid­ère les signes tri­gram­ma­tiques et s’en inspire pour rec­ti­fi­er sa con­duite et accom­plir l’ac­tion appro­priée (juste?) sem­ble bien emprunter le pre­mier chemin de l’oc­tu­ple sen­tier avant de met­tre en œuvre la trans­for­ma­tion…

Mais quelles sont donc les car­ac­téris­tiques d’une mau­vaise vision ? Elles sont au nom­bre de trois…

La mau­vaise vision :

Une mau­vaise vision est, pour com­mencer, une vision faible. Le regard de l’ob­ser­va­teur manque de puis­sance, d’én­ergie per­son­nelle. Sa portée ne s’é­tend donc pas très loin ou manque de dis­cerne­ment. La vision n’a pas la force de pénétr­er le monde et le “geste de voir” man­quant de vigueur ne s’ap­plique pas dis­tincte­ment. La clarté pour s’af­franchir des brumes des apparences et voir plus loin que le bout de notre nez n’est pas présente et ne nous per­met donc pas de con­stater les choses telles qu’elles sont, par l’ex­péri­ence directe de leur réal­ité.

Une mau­vaise vision est, d’autre part, lim­itée. Le champ visuel est étroit, comme réduit par des œil­lères. Cela empêche bien sûr de détecter cer­tains élé­ments d’in­for­ma­tions, mais cela invalide surtout la vision large, la per­cep­tion glob­ale de la sit­u­a­tion : peu d’élé­ments à la fois entrent dans notre champ de vision. Notre capac­ité de juge­ment et de com­bi­nai­son pour l’analyse de la sit­u­a­tion sont ain­si restreints.Les_yeux_du_Bouddha_(Stupa_de_Swayambhunath)Une mau­vaise vision est, pour finir, défor­mée. L’altéra­tion peut affecter la forme, mais aus­si la couleur : comme si l’on regar­dait la réal­ité à tra­vers une bouteille. Les préjugés sont un fac­teur impor­tant de défor­ma­tion du réel, mais notre état émo­tion­nel du moment peut égale­ment inter­venir. Notre pro­pre inca­pac­ité à accepter l’i­nat­ten­du, le change­ment, donc notre absence de sou­p­lesse ou au con­traire une réac­tion exces­sive aux infor­ma­tions ou stim­ulis défor­ment notre per­cep­tion de la réal­ité.

Une vision faible, lim­itée et défor­mée est une mau­vaise vision.

Une vision juste est l’opposé de cela.

Div­ina­tion et Vision juste (1/12)

Div­ina­tion et Vision juste (3/12)

 CRÉDITS IMAGES (DANS L’ORDRE D’AFFICHAGE) :  artleo.com + retouches pierre lautier / Jean-Pierre Dalbéra