Puissance de la vision juste
Une vision faible, limitée et déformée est une mauvaise vision.
Une vision juste est donc puissante, large et exacte.
La puissance de la vision juste nous permet de voir loin et avec clarté. Pénétrante, elle ne se heurte pas à la surface des choses et accède directement à la vérité. Ce qui lui permet d’aller loin et profond c’est la vigueur de la présence de celui qui regarde. Nous savons déjà que la vision exige la présence d’un observateur : en son absence pas de vision ; donc plus grande est la présence de l’observateur plus forte est la vision. Ainsi la capacité d’attention, de concentration énergique à l’instant présent confère à la vision sa puissance.
La vision juste embrasse un large champ de vision. Elle est dégagée des limitations physiques et conceptuelles. Nous savons déjà que la vision exige la présence d’un observateur : il ne s’agit donc pas ici de renoncer à un “point de vue”. Ce dont il est question c’est de “renoncer à renoncer”… La concentration évoquée au paragraphe précédent est une mobilisation ; son efficience ne doit surtout pas être obtenue par le rejet de ce que l’on juge à priori inefficace. Le mot-clé est ici : ouverture. Ouverture d’esprit ‑nous ne devons pas nous limiter à notre propre vision des choses, fruits de nos expériences ou apprentissages passés‑, mais aussi ouverture physique : tel l’archer qui vise avant de tirer, de réaliser son tirage : “Présence” par la stabilité de sa posture et la concentration de son regard ; “Ouverture” par l’écartement des bras qui pour mieux atteindre le cœur de la cible, dégage son propre cœur. Viser ainsi implique plus que l’œil et la tête : il y a élargissement, littéralement embrassement du corps et du cœur. De la même façon que la vision était pénétrante depuis la propre profondeur acquise par l’observateur, c’est ici encore son propre geste d’ouverture qui permet de recevoir davantage d’informations et d’en reconnaître le sens global et l’universalité.
La vision juste est exacte. La précision et la rigueur de la posture ou la démarche de celui qui observe le rendent incorruptible. Empruntant au bambou sa souplesse, il en obtient la rectitude. S’efforçant constamment, il semble ne pas forcer. Affranchi des projections internes, il est immunisé contre les intrusions et “conserve son cap”.
Nous savons déjà que la vision exige la présence d’un observateur : la plupart du temps et pour la plupart d’entre nous notre regard est faible, limité et déformé. Nous invitant à reconsidérer nos points de vue le Yi Jing nous permet d’abord ponctuellement, puis progressivement et durablement d’améliorer notre vision.
Pour être tout à fait complet il est nécessaire d’ajouter que, tourné vers l’éveil, le bouddhisme évoque une troisième forme de vision : la Vision Parfaite. Il s’agit de la vision juste à son plus haut niveau de réalisation, rayonnante de sagesse et de compassion. J’ai tristement l’impression qu’elle n’est pas le sujet du Livre des Transformations, mais cela est un autre débat, et sera certainement l’objet d’une toute autre série d’articles…
Revenant à notre livre, nous allons maintenant plus précisément considérer comment le Yi Jing nous parle de la vision, du regard et de l’œil.
Divination et Vision juste (2/12)
Divination et Vision juste (4/12)