Etape 2 : Le hasard (2/2)
Les baguettes étaient un des systèmes utilisés à l’époque de la naissance de l’achilléomancie pour les calculs de quantités (en plus de nombreuses méthodes utilisant les doigts et peut-être encore les cordelettes nouées de l’antiquité et tout ceci bien avant l’invention des règles à calcul et du boulier chinois). Nous aborderons cela plus en détail dans la partie “calcul” mais ce qu’il convient de retenir à ce stade c’est que les manipulations des baguettes divinatoires ont par réductions successives pour but de faire émerger des qualités, des essences numériques.
Ainsi, de la même façon que la préparation des os et carapaces, leur creusement avant brûlure, avait permis de réduire le nombre des productions possibles à moins de 6 fissures, le futur décompte modulo 4 des baguettes permettra de n’obtenir pour chaque “tiers” de trait qu’une parmi 2 possibilités. Le passage des variantes de fissures aux qualités numériques n’est donc qu’une progression du système de notation. Cela n’affecte pas la source des informations collectées : il s’agit toujours de la captation sélective d’éléments d’information supposés représentatifs de l’organisation latente d’un macrocosme. Une analogie fréquemment évoquée est celle de la boussole qui détermine une orientation locale vis-à-vis d’un flux magnétique global.
Ce principe de la réduction du global vers le local est renforcé par le passage au décompte des baguettes : la fabrication des fissures sur une surface vierge préparée est remplacée par la sélection progressive de qualités numériques depuis la totalité initiale des possibles. L’analyse statistique de la science moderne ne procède pas autrement : d’un “panel” (échantillon) supposé représentatif et suffisamment large et par un jeu de questions soigneusement déterminé on peut déduire les tendances générales d’une masse encore plus vaste et discerner les singularités et stratégies optimales de sous-groupes : intentions de vote ou d’achat, polices d’assurance, météo, etc.
A propos de météo et du lien entre le temps qui passe et le temps qu’il fait, le calendrier et sa saisonnalité constituent un autre facteur déterminant. Ils introduisent les notions d’adéquation avec le moment et celle de la nécessité du positionnement correct du singulier vis-à-vis du “collectif” (lieu de la collecte ?) : la vision globale permet de savoir que globalement en été il fait davantage chaud et qu’il y a des moments favorables pour semer, d’autres plus propices à l’élagage, ou encore qu’il suffit parfois d’attendre.
Certains axes de la science et des techniques occidentales n’ont pu progresser au siècle dernier que par l’abandon de l’exigence de la “détermination exacte des conditions et causes initiales pour déduction des effets finaux”, et donc la diabolisation de l’«aléatoire » , au profit d’un aléatoire encadré.
“Nous ne pouvons inférer les événements de l’avenir des événements présents. – La croyance au rapport de cause à effet est la superstition.“
Ludwig Wittgenstein
Les tests médicaux en double aveugle, les bases de la mécanique quantique, entre autres, soulignent soit l’importance de ne pas savoir initialement pour mieux savoir ensuite, soit l’impossibilité de déterminer totalement les causes initiales. Les premiers savants de l’ancienne Chine, les fondateurs de la culture chinoise, avaient ainsi déjà affiné leurs théories et orientés leurs techniques vers cet encadrement de l’aléatoire.
A propos du “hasard chinois” il est fréquent d’invoquer le Livre des Odes et le Loriot Jaune qui selon Confucius “…se posant au hasard se pose toujours où il faut”. Je lui préfère aujourd’hui Jules Renard :
« Ce n’est pas parce qu’il y a une rose sur le rosier que l’oiseau
s’y pose : c’est parce qu’il y a des pucerons. »
Le Yi Jing : générateur aléatoire de réponses ? (2/6)
Le Yi Jing : générateur aléatoire de réponses ? (4/6)