La confé­rence du pro­fes­seur Shaugh­nes­sy devait ini­tia­le­ment sou­li­gner le rôle de l’ar­chéo­lo­gie pour notre com­pré­hen­sion du Yi Jing. Pri­vi­lé­giant l’ac­tua­li­té, il a fina­le­ment déci­dé de nous pré­sen­ter un manus­crit publié en jan­vier 2014 décri­vant une tech­nique de divi­na­tion par l’a­chil­lée dif­fé­rente du Yi Jing. Décou­vert par des pilleurs de tombes dans la pro­vince du Hubei, ce docu­ment date d’en­vi­ron 300 av JC : il est donc anté­rieur au grand bru­le­ment des livres.

Com­po­sé de 63 lattes de bam­bou numé­ro­tées, il com­porte 30 sec­tions dont une table des matières.
Les 17 pre­miers cha­pitres contiennent des pro­nos­tics qui res­semblent beau­coup aux textes sur les hexa­grammes sur des sujets variés : “La vie et la mort”, “Com­ment obte­nir”, “Les offrandes”, “Com­ment par­ve­nir”, “Obte­nir une concu­bine”, etc.

Les autres sec­tions traitent des tri­grammes et de leur repé­rage dans le temps et l’es­pace.

Bonhomme trigrammesLa plus sur­pre­nante met gra­phi­que­ment les tri­grammes en rap­port avec les par­ties du corps humain : le des­sin d’un per­son­nage y est enca­dré par les chiffres des tri­grammes. Les par­ties du corps en lien avec les tri­grammes cor­res­pondent presque à la dis­tri­bu­tion du Yi Jing dans le Shuo gua (kan/oreilles, zhen/pieds, etc. Deux dif­fé­rences cepen­dant : kun (terre) est asso­ciée au cœur au lieu de l’ab­do­men, mais sur­tout li (lumière) cor­res­pond au ventre plu­tôt qu’aux yeux.

Les posi­tions géo­gra­phiques asso­ciées aux tri­grammes pré­sentent éga­le­ment une dif­fé­rence notable : la répar­ti­tion est celle du roi wen, avec une inver­sion : kan cor­res­pond au sud et li au nord. Leur genre (masculin/féminin) est éga­le­ment inter­ver­ti.
8 trigrammesDans la dou­zième sec­tion les noms attri­bués aux tri­grammes sont qua­si­ment ceux que nous connais­sons. Li y devient cepen­dant luo (comme dans le manus­crit de Mawang­dui) et kan (ravin) est rem­pla­cé par lao (tra­vail). Mais on retrouve plus loin, dans un cha­pitre pré­sen­tant les tri­grammes sui­vant leurs posi­tions géo­gra­phiques, kan au nord et li au sud …et dans leurs gra­phies clas­siques. Kan, kun, dui et qian y sont appe­lés tri­grammes de droite, xun, zhen, gen et li, tri­grammes de gauche ; li, zhen, dui et kan sont décla­rés tri­grammes “car­di­naux”.

Un autre cha­pitre leur fait cor­res­pondre cou­leurs et élé­ments natu­rels de façon sen­si­ble­ment iden­tique à ce que nous connais­sons mis à part li (luo) asso­cié à l’hi­ver et au nord. La sec­tion 21 asso­cie les tri­grammes au calen­drier des 10 troncs célestes et 12 branches ter­restres afin d’en déduire s’ils sont plus ou moins favo­rables ou défa­vo­rables.

4 trigrammesLes pro­nos­tics sont réa­li­sés sur la base de couples de 2 tri­grammes super­po­sés. A aucun moment on ne fait réfé­rence aux hexa­grammes avec les noms que nous connais­sons : sont tou­jours uti­li­sés les tri­grammes 2 par 2 : haut-bas, droite-gauche. Lors du pro­nos­tic la plu­part des tri­grammes sont repré­sen­tés par des traits hori­zon­taux et une gra­phie archaïque cor­res­pon­dant au chiffre 6. S’a­git-il de repré­sen­ta­tions numé­riques comme pour les anciens hexa­grammes issus de la sca­pu­lo­man­cie ou au contraire de pro­to-repré­sen­ta­tions des traits yin et yang ? Le reste du manus­crit per­met de conclure qu’il s’a­git plu­tôt de gra­phies archaïques de nombres.

Les nombres pour consti­tuer les tri­grammes sont pour la plu­part 1 et 6, par­fois 4, 5, 9 et 8, peut-être 7. L’a­na­lyse des pro­nos­tics fait réfé­rence à des nombres et non à des traits yin ou yang.

La sec­tion 18 évoque la néces­si­té de “Se mettre au clair sur ce que l’on veut obte­nir”.

Le cha­pitre 2 (“Obte­nir”) défi­nit la stra­té­gie pour inter­pré­ter les 4 tri­grammes obte­nus : 3 mas­cu­lins + un fémi­nin = “on obtien­dra”, 3 fémi­nins + un mas­cu­lin = “on n’ob­tien­dra pas”. La défi­ni­tion des tri­grammes mas­cu­lins et fémi­nins est la même que dans le texte clas­sique.
Dans la sec­tion 1 (“La vie et la mort”) les tri­grammes mas­cu­lins sont sup­po­sés chan­ceux, les fémi­nins non chan­ceux.

Ce manus­crit s’a­chève avec la liste des 64 hexa­grammes, leurs des­sins (nombres-traits) et leurs noms dans l’ordre de Mawang­dui (8 palais). Les noms sont pour la plu­part ceux que l’on connait. Huit manquent à cause de l’ab­sence d’une tablette. Cer­tains noms sont dif­fé­rents ou de pro­non­cia­tion iden­tique mais de gra­phie dif­fé­rente. L’hexa­gramme 4 s’ap­pelle par exemple “chien poi­lu” comme dans le manus­crit de Shan­gai. Cela confirme que les noms des hexa­grammes étaient encore assez flot­tants au 4ème siècle avant notre ère.

1er Col­loque Inter­na­tio­nal Djo­hi

Col­loque Djo­hi « Léon Van­der­meersch »

Unear­thing the Changes

CRÉDITS IMAGES : Alain Leroy.