Les deux Raisons chinoises, divination et idéographie (14 juin 2014)

Com­ment trou­ver le gibier ? C’est la pré­oc­cu­pa­tion  qui selon le pro­fes­seur Léon Van­der­meersch est à l’o­ri­gine de ce qui devien­dra, à la suite d’un long pro­ces­sus de “trans­for­ma­tion” et de mul­tiples “chan­ge­ments”, le Yi Jing.

La mytho­lo­gie chi­noise affirme depuis l’é­poque des Royaumes Com­bat­tants que les tri­grammes furent tra­cés par Fu Xi après qu’il eut contem­plé le Ciel, la Terre, puis exa­mi­né sa conscience per­son­nelle…

Les sources archéo­lo­giques per­mettent au contraire au pro­fes­seur Van­der­meersch de démon­trer que la dynas­tie Xia  (2050 à 1700 av JC) était un peuple chas­seur pra­ti­quant les pre­mières formes de la pyro-sca­pu­lo­man­cie : l’in­ter­pré­ta­tion de fis­sures pro­duites par des brû­lures sur des os de cer­vi­dés.

Cerf en forêtPour les chas­seurs la néces­si­té de ruser pour attra­per ou tuer les grands ani­maux pro­ve­nait d’une forme d’in­tel­li­gence inac­ces­sible, une “sur­na­ture” du gibier. Seul le cha­mane pou­vait accé­der à cette connais­sance au cours de transes dont est issue la divi­na­tion. Ain­si le carac­tère 道 dao (voie) est-il consti­tué d’une tête avec des cornes au des­sus du signe de la marche. La marche avec une tête ani­male repré­sente une transe cha­ma­nique.

La culture de la chasse évo­lua ensuite en celle de l’é­le­vage noma­dique (incluant le sacri­fice de bovi­dés), puis en agri­cul­ture, mode de vie prin­ci­pal sous la dynas­tie Shang…

Une pre­mière étape impor­tante fut le rem­pla­ce­ment des os plats par les écailles d’une espèce de tor­tue com­mune au début du 2ème mil­lé­naire av JC dans la région du Shan­dong. Mais sur­tout la créa­tion de cavi­tés en forme de demi‑H au cœur des­quelles était appli­qué un poin­çon brû­lant per­mit de réduire les fis­sures à 5 ou 6 variantes seule­ment.fissure divinatoire

Ce qui per­mit une seconde révo­lu­tion : l’in­ter­pré­ta­tion des formes des fis­sures (mon­tant : favo­rable ; des­cen­dant, défa­vo­rable) fit place à la divi­na­tion numé­ro­lo­gique : les résul­tats des brû­lures étaient notés sous forme d’une super­po­si­tion de chiffres qui devinrent pro­gres­si­ve­ment des hexa­grammes numé­riques. Ain­si, contrai­re­ment à la légende, les hexa­grammes pré­cé­dèrent les tri­grammes.

Le pro­fes­seur Van­der­meersch consi­dère cette étape comme la nais­sance une pro­tos­cience divi­na­toire (la “Man­ti­co­lo­gie”) qui consti­tue selon lui le fon­de­ment de la culture chi­noise. Héri­tée d’une culture de chas­seurs, son ori­gine cha­ma­nique la rend ain­si très dif­fé­rente de la pen­sée théo­lo­gique occi­den­tale éla­bo­rée au sein d’une culture d’a­gri­cul­teurs.

Beau­coup plus tard ces chiffres furent rame­nés à 4 valeurs (6,7, 8 et 9), puis asso­ciés sous forme gra­phique aux traits conti­nus ou dis­con­ti­nus (pair/yin ; impair/yang) et à leur dyna­mique (traits jeunes ou vieux).

Inscriptions sur tortue divinatoireL’a­ban­don de la sca­pu­lo­man­cie par l’achil­léo­man­cie au cours de la dynas­tie des Zhou est sou­vent impu­tée à la raré­fac­tion des tor­tues pour des rai­sons de pré­lè­ve­ment exces­sif ou d’é­co­lo­gie. Mais la rai­son est plus vrai­sem­bla­ble­ment la volon­té poli­tique de rem­pla­cer toute la culture pré­cé­dente Yin et ses archives très consé­quentes (des dizaines de mil­liers de divi­na­tions sur os et écailles com­plè­te­ment igno­rées jus­qu’à leur redé­cou­verte en 1899). Dans ce même but et à la même période ont été créées l’his­toire mythique de la géné­ra­tion des tri­grammes par Fu Xi, et la légende du roi Wen (Wen Wang).

Le mot “wen” (let­tré) choi­si en réfé­rence et en oppo­si­tion à “wu” (guer­rier) (de Wu Wang) ne peut cepen­dant se rap­por­ter qu’aux jia­gu­wen (les ins­crip­tions sur les os et écailles) : il n’y avait en effet à l’é­poque pas encore de lit­té­ra­ture : la culture, la science, c’é­tait la divi­na­tion

1er Col­loque Inter­na­tio­nal Djo­hi

Col­loque Djo­hi « Pr Shaugh­nes­sy »

De l’i­déo­gra­phie ora­cu­laire à la langue gra­phique (Pr Van­der­meersch)

De l’ostéomancie à la ché­lo­nio­man­cie (Pr Van­der­meersch)

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