Un tirage de Yi Jing engen­dre ce que l’on appelle un “hexa­gramme de sit­u­a­tion” auquel s’ajoute, quand il y a des traits mutants, un “hexa­gramme de per­spec­tive”.
Quelles sont leurs dif­férences et com­ment les inter­préter ?

Pour com­pren­dre ce que représente l’hexagramme de sit­u­a­tion, le plus impor­tant pour celui qui tire le Yi Jing, il nous faut nous pencher sur l’hexagramme de per­spec­tive.

 

L’hexagramme de perspective

 

Sa spécificité

Très sim­ple­ment : hexa­gramme de sit­u­a­tion → traits mutants → hexa­gramme de per­spec­tive.
Par con­séquent et évidem­ment, l’hexagramme de per­spec­tive ne mute pas. Il reste sta­ble. C’est pourquoi l’hexagramme de per­spec­tive n’est pas le futur de la sit­u­a­tion : le futur n’est jamais figé. Il dépend de ce que le con­sul­tant fera — ou pas — dans la sit­u­a­tion.
C’est pourquoi “per­spec­tive” est à pren­dre dans le sens d’une image : un angle de vue.

Son rôle dans un tirage

Dès lors, com­ment lire l’hexagramme de per­spec­tive ?
Il est le “cadre” dans lequel s’inscrit la sit­u­a­tion, tel un orchestre qui joue une par­ti­tion.

Lors d’un tirage, un hexa­gramme se livre par qua­tre aspects fon­da­men­taux :

    • la fig­ure qui représente sa quin­tes­sence
    • le nom qui livre son “iden­tité”
    • le juge­ment qui décrit sa con­fig­u­ra­tion énergé­tique
    • le texte des traits qui com­mente les actions pos­si­bles dans cette sit­u­a­tion

Ces qua­tre élé­ments peu­vent se divis­er en deux groupes. D’un côté la fig­ure et le nom qui sont “immuables”. De l’autre le juge­ment et le texte des traits qui ouvrent un champ de pos­si­bles en pro­posant des actions.
Or l’hexagramme de per­spec­tive échappe, comme nous l’avons vu ci-dessus, à toute action. Par con­séquent, ne comptent que sa fig­ure et son nom.
Prenons l’exemple de l’hexagramme 5, Atten­dre 需.
En tant qu’hexagramme de sit­u­a­tion, le juge­ment 需 有 孚 光 亨 貞 吉 利 涉 大 川 con­seille d’avoir con­fi­ance, d’être lumineux et de pass­er le grand fleuve.
Mais en per­spec­tive, son nom, Attente, 需 sig­ni­fie sim­ple­ment attente, être retardé. On lira “ce n’est pas pour tout de suite”.
Le cadre étant posé par l’hexagramme de per­spec­tive, que nous indique l’hexagramme de sit­u­a­tion ?

 

L’hexagramme de situation

Pour repren­dre la métaphore de l’orchestre, le con­sul­tant est un instru­ment de musique qui joue sa pro­pre par­ti­tion. Elle est détail­lée par l’hexagramme de sit­u­a­tion et tous les textes afférents, notam­ment le juge­ment et les textes des traits, qui décrivent un con­texte et de poten­tielles actions.
Les descrip­tions du yi jing étant aus­si des propo­si­tions, lorsqu’il est écrit “prof­itable de pass­er le grand fleuve”, le con­sul­tant peut par­faite­ment décider de rester sur la berge. Le con­sul­tant décide tou­jours de sa par­ti­tion.

 

Le lien entre l’hexagramme de situation et l’hexagramme de perspective

Entre sa pro­pre par­ti­tion et celle de l’orchestre, le Yi Jing indique com­ment le con­sul­tant peut, ou non, se met­tre au dia­pa­son. Il le fait grâce aux traits mutants, pas­sages d’une énergie en son énergie com­plé­men­taire. Les traits mutants pro­posent son libre arbi­tre au con­sul­tant.

Ce qui nous amène aux remar­ques suiv­antes :

  • Le con­sul­tant n’a peut-être pas envie de jouer la même par­ti­tion que celle de l’orchestre. Dans ce cas, il peut décider de ne pas suiv­re les con­seils des traits mutants. Atten­tion cepen­dant à ne pas sys­té­ma­tique­ment refuser cer­tains enseigne­ments qui, pour épineux qu’ils soient, se révéleront utiles.
  • Le nom­bre de traits mutants, d’“ajustements” pour jouer en har­monie avec l’orchestre du monde ne con­jec­ture pas d’une dif­fi­culté d’harmonisation mais de ses dif­férents aspects, de tout ce qui “vibre”, selon la place des traits.
  • Une absence de per­spec­tive est une absence d’écho, un manque de “vibra­tion”. L’hexagramme de sit­u­a­tion, unique, est lu alors comme un para­doxe. Ain­si, l’hexagramme Élan Créatif, 乾 qui est com­pris dans un tirage avec per­spec­tive comme un moment de déploiement devient, lorsqu’il est “sec” (absence de traits mutants) : “chiche de te déploy­er”.
  • Cette lec­ture de l’hexagramme de per­spec­tive évite des con­tra­dic­tions. Par exem­ple : l’hexagramme 22 La Beauté 賁, dont le juge­ment aver­tit qu’il est “prof­itable d’avoir où aller”, qui muterait en hexa­gramme 23 Usure 剝 dont le juge­ment dit, lui, “qu’il n’est pas prof­itable d’avoir où aller” serait incom­préhen­si­ble pour qui con­sid­ér­erait le juge­ment de l’hexagramme de per­spec­tive. Ce n’est pas le cas si seul le nom Usure est pris en compte, au sens d’élagage, de se débar­rass­er de ce qui n’est plus néces­saire.

L’hexagramme de per­spec­tive prend alors tout son sens et toute son impor­tance. Grâce à lui, les traits mutants déploient leur richesse : la lib­erté du con­sul­tant.