Nous poursuivons aujourd’hui notre découverte du 學霧 Xuë wu, Yi Jing Noir, avec 16 nouvelles propositions.
La traduction littérale de Xuë wu est « Etude (ou exploration) du brouillard ».
Je suis chaque fois ému par la bienveillance et l’indulgence qui semble irradier de ces questions ou invitations à l’introspection. Le plus troublant est peut-être qu’elles manifestent en même temps une acuité et un à‑propos sans concession.
Si le Xuë wu est revendiqué par certains courants bouddhistes Chan, la tradition rapporte qu’il serait la transcription de paroles ultimes de Lao Tseu. Le texte canonique du Yi Jing étant lui-même d’origine confucianiste, voilà qui devrait calmer les ardeurs des théoriciens désireux de marquer trop radicalement les différences entre les trois principales écoles de pensées chinoises.
Il est souvent affirmé que le Yi Jing est le livre du Yin. Mais on trouve fréquemment dans le texte et les commentaires canoniques l’opposition entre le modèle d’un homme accompli, d’un grand homme associé au yang et un contre-modèle associé au yin, de moindre envergure, un petit homme, un homme vil, un pauvre type, ou pire encore : une femme…
La compréhension la plus courante du Yi Jing devient alors l’identification des potentiels du présent en vue de l’accomplissement d’un grand homme à venir s’écartant des déviances et vicissitudes du commun. Les clients du New Age y verront probablement la projection d’une meilleure version de soi-même. Ce procédé est tout particulièrement mobilisé dans les textes de la Grande Image : le consultant est invité à s’inspirer du modèle du noble héritier ou des ancêtres qui calquent eux-mêmes leur démarche sur le modèle énergétique des éléments “naturels”, la voie du Ciel.
Le Xuë wu me parait à l’inverse tourné vers le plein développement d’un homme ordinaire. La lecture qu’il propose du passé n’est pas basée sur le pari d’un Mandat Céleste, mission individuelle et originelle, mais sur la considération apaisée des scories ou des engagements antérieurs. La voie qu’il propose passe donc par une acceptation déculpabilisante de l’homme vil en nous. C’est en ce sens qu’elle rejoint le projet bouddhiste et ajoute une dimension émancipatrice au Yi Jing pour libérer l’humain véritable des conditionnements négatifs qui l’empêchent d’être ce qu’il est vraiment.
Vous pouvez également accéder à deux nouvelles séries d’interprétations dans les pages Hexagramme :