L’Ordre des Hexagrammes

Ces deux articles pré­sentent la ten­ta­tive de décou­verte d’une règle logique dans l’ordre des hexa­grammes dans le texte cano­nique du Yi Jing. Quelques conven­tions gra­phiques ont été déter­mi­nées afin de faci­li­ter la recherche et com­pré­hen­sion. On a pour com­men­cer choi­si de repré­sen­ter chaque hexa­gramme par une com­bi­nai­son de cou­leurs en fonc­tion des tri­grammes qui le com­posent. Le choix de ces cou­leurs est arbi­traire  et  ne vise  qu’à dif­fé­ren­cier les tri­grammes.

Le Yi Jing sur soie

La plus ancienne ver­sion connue du Yi Jing qui nous per­mette de consi­dé­rer l’ordre des hexa­grammes est (à ce jour) une pièce archéo­lo­gique connue sous le nom  « Yi Jing sur soie ». Elle est datée de 198 avant notre ère. Les hexa­grammes y sont ordon­nés sui­vant une logique repo­sant sur les méca­nismes com­bi­na­toires des tri­grammes.

Ain­si l’or­don­nan­ce­ment ini­tial (à ce jour !) est un pro­ces­sus « tri­gram­ma­tique » : il s’ap­puie sur ces élé­ments sym­bo­liques (au nombre de 8) appe­lés kua.

La com­bi­nai­son de ces kua, eux-mêmes dis­po­sés sui­vant un ordre éta­bli, déter­mine l’or­don­nan­ce­ment des hexa­grammes et donc celui des cha­pitres du Yi Jing ou gua.

L’ensemble d’illustrations sui­vant explique l’ordre des gua dans le Yi Jing sur soie. Le gra­phique de gauche dis­pose hori­zon­ta­le­ment (sur sa ligne du haut) les tri­grammes infé­rieurs, et ver­ti­ca­le­ment (dans la colonne de gauche) les tri­grammes supé­rieurs. Com­bi­nant les deux axes on obtient suc­ces­si­ve­ment à leurs inter­sec­tions cha­cun des hexa­grammes (sché­ma cen­tral). La figure de droite repro­duit numé­ri­que­ment l’ordre résul­tant :

Ordre des hexagrammes

Le Yi Jing canonique

Toutes les ver­sions depuis que le Yi Jing est consi­dé­ré comme un clas­sique de la sagesse chi­noise uti­lisent le même ordon­nan­ce­ment, dit cano­nique. Cet ordon­nan­ce­ment est éta­bli à par­tir de méca­nismes plus fins et plus com­plexes.

Mais com­men­çons par consta­ter que dans la vaste lit­té­ra­ture consa­crée au Livre des Chan­ge­ments il n’y a aucune théo­rie ou hypo­thèse « ration­nelle » au sujet de la méthode com­bi­na­toire qui a per­mis d’é­ta­blir l’ordre des gua.

Ina-Marie Bergeron

Le com­men­taire de Ina-Marie Bergeron(1) est une simple réfé­rence au texte cano­nique :

[…] Si le Yi Jing a connu des « ordon­nances » variées, celle que nous connais­sons, choi­sie par Wang Bi au IIIème siècle et défi­ni­ti­ve­ment accep­tée par Kong Yin-da, ne semble pas résul­ter d’un simple jeu de lignes en une quel­conque tech­nique de trans­for­ma­tions, car elle répond a une pré­oc­cu­pa­tion plus pro­fonde et phi­lo­so­phique, et sur­tout plus conforme à la « vision » fon­da­men­tale de la Chine : la rela­tion Ciel/Terre/Homme ou Vie cos­mique. La « 9e Aile » : « Suc­ces­sion des hexa­grammes » l’ex­plique et le confirme : Il y a le Ciel/Terre (2 pre­miers hexa­grammes). Ensuite viennent les 10 000 êtres… Ils rem­plissent l’U­ni­vers… […]

Cyrille Javary

L’autre auteur qui exprime quelque chose à ce pro­pos est Javary(2) : il attri­bue la dis­po­si­tion des guas au « prag­ma­tisme » et déclare ain­si :

[…] La meilleure rai­son pour expli­quer la suite des hexa­grammes reste encore la plus chi­noise : le prag­ma­tisme. Si fina­le­ment l’ordre actuel a été pré­fé­ré à tous ceux qui furent pro­po­sés pour le rem­pla­cer, c’est vrai­sem­bla­ble­ment pour une rai­son d’u­ti­li­té pra­tique. Pour étrange que cela puisse nous paraître, c’est à cause de sa com­pli­ca­tion appa­rente que cet ordre a dû appa­raître plus à même de four­nir des réponses effi­caces. Car cette orga­ni­sa­tion est appa­rue comme plus conforme à la com­plexi­té de la vie que la rigide sim­pli­ci­té de l’ordre de Ma Wang Dui. L’at­tri­bu­tion au Roi Wen sera à la fois la marque et le gage de cette effi­ca­ci­té. […]

Za Gua Zhuan

On trouve cepen­dant par­mi les com­men­taires cano­niques un texte très bref, qui consti­tue la Xe aile : Za Gua Zhuan, ou com­men­taire  sur la « com­bi­nai­son des hexa­grammes en folie »,  dont per­sonne ne donne une expli­ca­tion ration­nelle. Ain­si, s’appuyant sur de vagues cri­tères, Legge (3) finit par conclure que c’est un « jeu d’es­prit ».

Analyse simultanée

L’a­na­lyse simul­ta­née et la com­pa­rai­son des deux arran­ge­ments (la dis­po­si­tion « cano­nique » et la dis­po­si­tion « en folie ») nous per­mettent cepen­dant d’ob­ser­ver des simi­li­tudes impor­tantes. Il y a ain­si dès le début, deux carac­té­ris­tiques com­munes :

Nous pou­vons tout d’a­bord obser­ver que dans les deux cas les gua sont ordon­nés en paires  consti­tuées d’un gua et du  gua inver­sé. Cela est mis en évi­dence dans le sché­ma sui­vant :

Ordre des hexagrammes

La seconde carac­té­ris­tique nous oblige à éla­bo­rer une hypo­thèse sur la base d’une ana­lyse plus fine des carac­té­ris­tiques des kua :

En effet, le méca­nisme d’in­ver­sion crée une dis­tinc­tion entre deux types de kua : ceux qui par leur symé­trie interne, ne varient pas lors de leur per­mu­ta­tion de bas en haut et ceux qui varient…

Références : 1 – Ina-Marie Bergeron Ciel / Terre / Homme , le Yi Jing, éditeur Guy Trédaniel, Paris 1986 – p61 / 2 – Cyrille J‑D Javary Le discours de la Tortue, Albin Michel, Paris, 2003 – p402

Hypo­thèse sur l’établissement de l’Ordre des Hexa­grammes du Yi Jing (2/2)

CRÉDITS IMAGES : Lluís Guasch Fort