- Le Yi Jing ne décrit pas l’é­tat actuel des choses
Il en décrit le mou­ve­ment. Un peu à la façon d’une pho­togra­phie capa­ble de figer l’ap­parence de l’in­stant, mais inca­pable d’ar­rêter les objets qu’elle représente.

Stèle Yi Jing

Une par­tie du Yijing gravé dans la pierre (fin de Wu Wang et début de Da Xu). Beilin (la forêt de stèles), Xi’an, province du Shaanxi

- Le Yi Jing n’est pas un miroir
Sou­vent assim­ilé à une sorte de « tarot chi­nois », le Yi Jing ne nous présente pas un reflet de la réal­ité sur un mode pro­jec­tif. Un miroir ne nous mon­tre que la forme, l’é­tat des choses. Le Yi Jing en souligne les ten­dances, les poten­tiels en action, de la même façon qu’une bous­sole Feng-Shui (Luo Pan) ou la prise de pouls en énergé­tique chi­noise ren­seignent sur les dynamiques en action.

- Le Yi Jing n’est pas un vieux livre chi­nois
C’est le Yi Jing qui a été le socle de la pen­sée chi­noise et non l’in­verse. « Lorsque le doigt mon­tre la lune, l’id­iot regarde le doigt. » Les textes qui nous sont par­venus ont bien été écrits il y a longtemps par des chi­nois. Mais si les lois du change­ment décrites par le Yi Jing ont été appré­ciées des anciens chi­nois, c’est à cause de leur car­ac­tère intem­porel et uni­versel.

GLISSER DU DEFINI AU PERPETUEL

- « Yi Jing » ?
Traduisant « Yi » par « Change­ment » et « Jing » par « Clas­sique, Livre fon­da­teur » on obtient « Clas­sique des change­ments ». Cul­ture et pen­sée chi­noise reposent tra­di­tion­nelle­ment sur cinq clas­siques, cinq livres fon­da­teurs. Pro­mu depuis la dynas­tie des Han en tête de ces clas­siques, le Yi Jing devait autre­fois être appris par cœur par les aspi­rants fonc­tion­naires.

- Pourquoi la notion de change­ment est-elle pri­mor­diale pour les chi­nois ?
La Chine a tou­jours été un peu­ple de la terre et séden­taire, con­sti­tué pour l’essen­tiel de paysans. L’a­gri­cul­ture prend appui sur les alter­nances de cli­mats, de saisons. Dans l’idéo­gramme « Yi » appa­rais­sent les gra­phies « soleil » et « pluie ». Alter­nance de soleil et de pluie, c’est tout ce que demande un paysan pour faire fruc­ti­fi­er son tra­vail. « La seule chose qui ne chang­era jamais, c’est que tout change tou­jours tout le temps… ».Par analo­gie avec la cul­ture du végé­tal, les chi­nois ont véri­fié de façon prag­ma­tique que « Com­pren­dre et prévoir les flux de la vie pour dynamiser son effort per­son­nel con­duit inévitable­ment à la crois­sance ».

- En quoi le Yi Jing a‑t-il influ­encé la pen­sée chi­noise ?
Le Yi Jing est à l’o­rig­ine de l’ensem­ble de la pen­sée chi­noise. L’écri­t­ure chi­noise a été en par­tie conçue et util­isée pour mémoris­er les for­mules orac­u­laires.
Penser avec des idéo­grammes (puisqu’on pense tou­jours avec les mots avec lesquels on écrit) con­duit à con­sid­ér­er la glob­al­ité comme une évi­dence. L’écri­t­ure chi­noise utilise des zones du cerveau dif­férentes de celles req­ui­s­es par la lec­ture alphabé­tique : le cerveau gauche traduit les mots occi­den­taux en addi­tion­nant la séquence des let­tres qui les com­posent. Les idéo­grammes chi­nois sont lus par le cerveau droit, celui de la « recon­nais­sance de forme », le même qui nous per­met de recon­naître le vis­age d’une per­son­ne des années après. Ce cerveau est capa­ble depuis une vision glob­ale de déduire l’essen­tiel.
Taoïsme, con­fu­cian­isme, boud­dhisme chi­nois, médecine chi­noise, feng­shui, arts mar­ti­aux chi­nois… se sont tous nour­ris de cette approche glob­ale s’ex­p­ri­mant par alter­nance et com­plé­men­tar­ité.

Le texte repro­duit ici fait de nom­breux emprunts aux pro­pos de Cyrille Javary

Ce que n’est pas le Yi Jing (1/3)

Ce que n’est pas le Yi Jing (3/3)

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