Voir / grand / homme
« 見 大 人 jiàn dà rén voir ; grand ; homme » apparait 8 fois dans le Yi Jing, dont 7 précédées de la mention (mantion ?) « 利 lì profitable ».
Le point commun aux trois idéogrammes est la clé « 人 rén homme « . Elle représente une personne vue de profil. Certains spécialistes y voient un homme en marche, donc un être vertical, droit sur ses deux jambes, en déplacement horizontal. Des formes primitives de la graphie pourraient également représenter un personnage en posture de prière collective ou de salutation vers un autre. Dans la prière collective la tendance verticale du geste spirituel prend une tournure sociale, donc horizontale. La salutation vers un autre n’est pas un signe de dévotion ou de vassalité, mais la manifestation d’une « reconnaissance » réciproque, d’égal à égal, horizontale.
« 大 dà grand » est la clé « 人 rén homme » à laquelle on a ajouté des bras horizontaux. Le geste primitif d’écarter les bras au maximum pour indiquer que quelque chose est grand délimite la mesure de tout l’univers que l’on peut embrasser. Ainsi la notion de grandeur correspond davantage à une largeur, une « vastitude » horizontale, terrestre, qu’à une grande altitude. La nécessaire ouverture de la vision juste s’exprime ici par les bras grands ouverts, dégageant le « champ » (田 tián) visuel.
Le second trait est le trait du milieu du trigramme du bas (terrestre) et en haut du bigramme du bas (terrestre dans la trilogie confucéenne tian di ren « ciel-terre-homme »). A ce stade de l’hexagramme 01, la progression du dragon vers le haut (l’essor du lumineux, de ce qui se voit ou éclaire) paradoxalement tournée vers la profondeur au trait 1, se répand maintenant horizontalement.
L’hexagramme dérivé par ce second trait est H13 « 同人 tóng rén semblable homme » qui confirme la nature horizontale de cette relation. Il est à ce propos remarquable que l’autre hexagramme qui traite plus spécifiquement de la relation aux autres (H37 « 家人 jiā rén maison homme »), mais avec l’orientation plus verticale de la filiation et du culte aux ancêtres, puisse être obtenu par la transformation du 2ème ET du 4ème trait de H01. Il est encore plus remarquable que lorsqu’on poursuit la transformation successive des traits aux places paires – yin – de cet hexagramme fondamentalement yang, on obtienne H63 le seul hexagramme où tous les traits sont de la même qualité que leur place (traits yangs aux places impaires et traits yins aux places paires), H01 et H63 se situant chacun à une extrémité du Livre des Transformations.
Au Jugement de l’hexagramme 13 le caractère « 野 yě campagne, champ » vient en écho à « 田 tián champ » du second trait de l’hexagramme 01. La partie droite de 野 yě reprend la graphie 田 complétée de la notion d’aller et venir, d’échanger, d’où le sens de voisinage, d’aller jusqu’aux frontières, jusqu’aux confins. La frontière est à la fois le lieu commun et le lieu de la séparation, de la différenciation.
Beaucoup d’interprètes ont justifié la traduction « Aller voir un grand homme » par la relation géométrique et énergétique de « sympathie » entre les places 2 et 5 d’un hexagramme. Il serait ainsi suggéré « d’aller prendre conseil » auprès du souverain – celui qui à la place 5 est centré en haut – (supposément pour s’inspirer de ses conseils et devenir comme lui ?…). Une autre lecture suggère de « trouver le grand homme à l’intérieur de soi ». La centralité du trait et la position basse du trigramme inférieur permet effectivement de conclure que ce trait possède les qualités d’un souverain. Mais l’envergure dont il est question ici est celle qui permet d’embrasser, pas de s’envoler vers le 5 ou de retenir son envol comme au premier trait. La rencontre avec la noblesse de l’autre se fait dans et par l’affirmation de sa propre noblesse.
Divination et Vision juste (5/12)
Divination et Vision juste (7/12)